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ouvriers, qui reçoivent un jeton de 10 francs par séance.

Tel est le moteur qui a donné depuis dix ans une très sensible impulsion à la Belgique. Nous dépasserions le cadre de cette étude, si nous essayions de décrire le mécanisme des 138 sociétés d’habitations ouvrières dont la création a été son œuvre ; si nous montrions par quelles ingénieuses combinaisons les 102 Sociétés de crédit, qui ne construisent pas, mais qui font des avances hypothécaires aux constructeurs, ont pu multiplier, dans une proportion énorme et sans perte, leur très faible capital.

Cette influence de la Caisse générale mise en action par des sociétés intermédiaires a paru si féconde que, tout récemment, le législateur n’a pas hésité à y recourir de nouveau. Le 10 mai 1900, était votée une loi sur les retraites, qui mérite toute notre attention. Le versement de l’intéressé, titulaire d’un livret à la Caisse des retraites, est volontaire ; jusqu’à 15 francs de versement annuel, l’État lui ajoute 60 centimes par franc. Malgré cette énorme subvention, comme on redoutait 1 indifférence des ouvriers et que les partisans de l’obligation germanique, nombreux à la Chambre des Représentans, avaient déclaré que cette expérience de la liberté, si elle échouait, serait la dernière, le législateur se décida à appeler toutes les forces à son aide. Les mutualités avaient déjà contribué à répandre l’idée de la retraite. La loi les investit d’une charge officielle : amener des adhérens à la Caisse des retraites, s’assurer que le nouvel affilié ne paye pas un chiffre d’impôts le mettant au-dessus du besoin, faire le service des versemens, et recevoir en retour une subvention de deux francs par livret. Ainsi toutes les sociétés de secours mutuels de Belgique devenaient les agens intéressés de la Caisse des retraites. C’est bien le caractère que nous avons déjà signalé : entre l’Etat et l’individu apparaissait une fois de plus un intermédiaire chargé d’une mission déterminée : l’éducation du citoyen, qui apprend peu à peu l’étendue de ses devoirs, l’objet de son initiative et l’usage de la liberté.

Aussi, depuis un an, le mouvement a-t-il atteint et dépassé les espérances les plus optimistes[1]. De toutes parts, les concours se sont rencontrés pour faire produire à la combinaison nouvelle tous ses effets. Le clergé a fait connaître la loi, l’a expliquée,

  1. Les mutualités servant d’intermédiaires, qui étaient, le 1er janvier 1900, au nombre de 940, ont atteint, le 31 octobre 1901, le chiffre de 3 400 (la Belgique compte 2 600 communes). Les livrets de retraites se sont élevés à 400 000.