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vivante, où l’homme peut multiplier les forces en s’associant, il n’y a plus ni place, ni prétexte pour la lâcheté. Il est probable que nous assisterons, d’ici au premier quart du siècle, à un réveil considérable de l’initiative privée, mise enfin en possession d’un instrument qui, à toute époque et dans toutes les nations, a été la condition unique de sa fécondité.

D’innombrables sociétés qui ont leur siège à Paris n’ont jamais osé se fractionner en groupes divers correspondant les uns avec les autres ; elles auraient pris le caractère d’associations et seraient tombées sous le coup des lois. Et cependant, de quelle utilité pouvait être pour leurs membres, pour leurs travaux, cet échange de vues, cette émulation de la pensée ! Et quelle faiblesse pour une société d’être enfermée dans son siège social, de ne pouvoir en sortir, de n’avoir le droit ni de correspondre, ni de se transporter d’un lieu à un autre, ni, en un mot, de rayonner sur toute l’étendue du territoire ! En un temps où le mot de décentralisation est si souvent prononcé, peut-on imaginer un régime plus funeste à la province, puisque Paris absorbait dans son sein tout le mouvement des réunions savantes ? Nos grandes sociétés d’études doivent entrer dans une voie nouvelle : elles auraient tout intérêt à créer des groupes dans les départemens, à correspondre avec eux, à tenir leurs assises annuelles dans une des grandes villes de France ; elles n’auraient pas à changer leur titre ; elles ne modifieraient que leur allure ; nos sociétés un peu endormies, un peu routinières, recevraient grâce à cette nouvelle orientation, une secousse ; leur champ d’action serait élargi et, par suite, leur horizon se trouverait étendu.

Quel est celui d’entre nous qui, vivant en province, n’a été frappé des ressources d’esprit, du travail persévérant, des réserves d’intelligence qui s’y amassaient sans bruit ? Autour des Facultés, des Barreaux, il y a des hommes qui ont toutes les qualités, qui lisent et réfléchissent plus que dans le tourbillon de Paris ; que leur manque-t-il ? L’occasion et l’action. Leurs réunions sont peu nombreuses et sans écho. Leurs travaux risquent de se perdre inconnus ; découragés d’avance, ils pensent plutôt qu’ils n’écrivent, et leurs efforts se limitent aux devoirs de leur profession. Il faut que nos grandes réunions d’études, qui ne sont pas des Sociétés parisiennes, mais des Associations françaises, en prennent le caractère et en accomplissent la fonction. En allant susciter dans les départemens des collaborateurs qui ne venaient pas à