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unes obligatoires, les autres facultatives. L’inscription sur l’état civil oblige tous les citoyens, parce qu’il n’en est aucun qui ne naisse et qui ne meure ; le service militaire les atteint tous à l’âge de la majorité ; les lois fiscales ne laissent échapper aucun des contribuables : ce sont des lois coercitives auxquelles nul en France ne peut se soustraire.

On peut supposer, au contraire, et nous voyons autour de nous, nombre de Français qui ne font pas partie d’une mutualité, — qui ne versent pas à la Caisse des retraites de la vieillesse, — qui ne construisent pas ou ne louent pas une habitation à bon marché ; — ils achèveront leur existence sans recourir aux lois sur les sociétés de secours mutuels, sur les retraites et sur les habitations. Ces lois ne seront utiles, elles ne seront avantageuses à la société que dans la mesure où les individus sauront y recourir. Ce seront des bienfaits, si la foule des citoyens sait en user. Elles seront impuissantes et comme paralysées, si elles ne rencontrent pas les sympathies publiques ; or, pour exciter l’opinion, pour montrer le service qu’elles peuvent rendre, pour appeler les hommes à en profiter, il faut que des voix s’élèvent. Sans le dévouement individuel qui organise des campagnes et fait œuvre de propagande, ces lois seraient lettre morte.

La législation sur les sociétés de secours mutuels nous en offre un saisissant exemple. Née à une époque où l’Etat tenait toutes les sociétés pour un péril, la mutualité n’a cessé de grandir ; le législateur a suivi ce mouvement avec une attention défiante, multipliant dans les textes les précautions et les défenses. Tout dernièrement, en présence du mouvement croissant, une loi plus libérale s’est relâchée de quelques-unes des sévérités primitives et a autorisé la fédération des mutualités. Quelle sera l’utilité de cette loi, si des sociétés nouvelles ne se créent pas ? si les anciennes ne s’accroissent pas ? s’il ne se forme point entre les mutualités des associations qui prennent en mains leur défense et qui placent au-dessus de ces cellules primitives un corps puissant et vivant ?

A l’heure où des théoriciens de l’obligation réclament des lois qui transformeraient en impôt la libre contribution mutualiste, où les systèmes absolus venus d’outre-Rhin nous menacent, il est nécessaire de faire comprendre à tous, ouvriers ou patrons, cultivateurs ou petits propriétaires, habitans humbles ou aisés des villes, que leur inscription dans une mutualité est urgente.