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jour, tous les quatre ans, un pouvoir sans limites. Il faut aussi rechercher ce que produisent l’isolement du fonctionnaire et la distance excessive entre lui et l’administré ; si cette séparation, également pernicieuse pour l’un et pour l’autre, n’a pas pour effet de paralyser l’exécution des meilleures lois. Nous verrons enfin, en jetant un coup d’œil sur des pays de langue et de race françaises, si les législations voisines aux prises avec un mouvement démocratique aussi puissant que le nôtre, n’ont pas été mieux inspirées en ayant eu l’art de se servir d’intelligences, de dévouemens, de collaborations actives qui demeurent en France des forces perdues.


I

Nous voudrions choisir quelques exemples qui fissent comprendre très clairement nos critiques et notre but.

Il y a des lois qui ne peuvent être appliquées sans le concours actif d’hommes dévoués prêtant leurs efforts à l’administration, d’autres, au contraire, que les agens de l’Etat peuvent et doivent exécuter seuls.

Telles sont les fonctions matérielles et techniques qui exigent des connaissances spéciales. Lorsqu’un ingénieur construit un pont ou une route, lorsqu’il pose une ligne télégraphique, lorsqu’il dirige la fabrication des allumettes ou du tabac, quand un fonctionnaire des postes organise le service des courriers, quand un receveur de l’Enregistrement applique aux mutations les principes du droit fiscal, les uns et les autres se livrent à un emploi de leur compétence qui est en soi parfaitement défini, qui agit sur les choses et non sur les hommes.

Tout autre est la mission du délégué de l’Etat, lorsqu’il a pour objet l’homme et son amélioration morale ou matérielle. Dans cet ordre d’efforts, le fonctionnaire ne dispose que d’une puissance fort limitée, et, s’il n’est pas secondé par la collaboration des particuliers, il n’aboutira qu’à un demi-succès qui ne sera pas éloigné d’un avortement. L’instituteur peut-il se passer du concours de la famille ? Sans elle, peut-il obtenir l’ordre dans le travail, l’assiduité aux classes, le respect dont il a besoin, la sanction de ses réprimandes ? Ce qui est indispensable dans ses rapports avec l’écolier, n’est-il pas nécessaire vis-à-vis de la commune ? Un conseil scolaire composé de quelques pères de famille