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et il dit : « Il est nécessaire, pour qu’il y ait conquête accomplie, que l’intention de s’approprier soit invariable et exprimée par une déclaration formelle ou une proclamation d’annexion. La capacité de garder doit être prouvée, soit par la conclusion de la paix, soit par l’établissement d’un ordre de choses équivalent. Le conquérant doit être en mesure de prouver qu’il a pris solidement possession, de la même manière et au même degré qu’une société politique qui désire être un État doit prouver qu’elle jouit de son indépendance et qu’il y a probabilité raisonnable pour qu’elle la maintienne[1]. »

Au résumé, pour qu’il puisse être question de conquête, ou d’un fait ou d’un droit analogue, il faut, selon Heffter, que l’adversaire soit définitivement vaincu et ne puisse reprendre les armes ; selon Bluntschli, qu’il y ait fin de la résistance et reconnaissance du nouveau gouvernement de la part du peuple consulté ; selon Holtzendorlî, qu’il y ait établissement d’une situation indiscutée, correspondant de fait à la proclamation du nouvel État de droit et absence complète de forces armées tenant la campagne ; selon lord Liverpool, Canning, lord Lansdowne et sir J. Mackintosh, qu’il y ait fin de la contestation, et que l’issue de la lutte soit décidée ; selon Hall, qu’il y ait établissement d’un ordre de choses équivalant à la paix[2].

Chose assez rare en ce monde : tous ces hommes éminens sont d’accord là-dessus. Acceptons la formule de M. Hall, puisque son ouvrage est le plus récent, et, surtout, puisque l’auteur était un Anglais, un jurisconsulte très écouté, un membre très regretté de l’Institut de droit international. Il dit : « Un ordre de choses équivalant à la paix. » Voilà pour un pouvoir légitime et fondé en droit ; mais même un pouvoir usurpé, n’existant que de facto, doit reposer au moins sur les faits. Voyons donc ce que sont les faits, quel est dans l’Afrique du Sud l’ordre de choses existant en fait depuis la date des proclamations d’annexion, postérieurement au 1er septembre 1900.

Nous nous bornerons à rappeler quelques événemens de la présente année, venus à notre connaissance de source anglaise, par l’intermédiaire de l’agence Reuter ou par la correspondance de lord Kitchener lui-même : c’est une chronologie un peu sèche mais qui vaut mieux que tout un volume d’assertions plus ou

  1. Hall, Treatise on international law, p. 21.
  2. Id., ibid., p. 566.