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sud-africaines, part de ce point : « Attendu que certains territoires de l’Afrique australe… ont été conquis. » Sans doute le droit de conquête est un droit reconnu par presque toutes les sommités du droit international et consacré par l’histoire de tous les temps. Presque tous les États qui existent au monde se sont formés par des conquêtes. Depuis un demi-siècle pourtant, des voix se sont fait entendre qui réclament pour les peuples le droit d’opter, le droit de n’être pas, comme un troupeau de moutons, transférés d’un maître à un autre. Néanmoins, et sous cette réserve, il reste acquis qu’il y a un droit de conquête, et que dans tous les temps des États se sont formés ou développés par la conquête.

Seulement ces conquêtes n’ont pas jamais été reconnues par le fait seul qu’il a semblé bon à l’une des parties belligérantes de déclarer qu’elle avait conquis les territoires de l’autre. Ce serait en vérité trop facile, et il n’est pas encore entré dans la coutume des nations, non plus que dans le droit des gens, de fonder la conquête d’un pays purement et simplement sur cette phrase : « Attendu que je l’ai pris. » Le droit de conquête, aussi bien que le droit d’occupation, est un droit qui repose sur le fait. Il ne suffit donc pas de dire : . « J’ai conquis ; » il faut prouver le fait même de la conquête. Pour ce qui est de l’occupation, j’ai pu dire, dans la séance du 8 juin 1899 d’une des commissions de la Conférence de la Paix réunie à La Haye : « On ne peut reconnaître l’occupation que quand l’autorité du belligérant est établie de fait[1]. » A plus forte raison le fait doit-il être établi lorsqu’il s’agit de conquête, c’est-à-dire d’occupation permanente. Il faut alors des preuves évidentes que l’occupation permanente, que la conquête est un l’ail incontestable et incontesté. Pour que ce droit de fait puisse être reconnu, il faut des faits en rapport avec l’extrême importance de la prétention d’une part, et d’autre part avec les exigences du droit des gens.


III

Avant d’examiner si, au point de vue du droit des gens, il y a réellement conquête, nous devons nous bien pénétrer de cette idée, que, lorsqu’il s’agit d’établir un droit de possession ou d’occupation définitive de territoires appartenant à des États

  1. Actes de la Conférence internationale de la Paix, 3e partie, p. 117.