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mélodique se noue et se dénoue, sur quel fond d’harmonies exquises elle se détache, quel rythme en ordonne les mouvemens, enfin quelle orchestration délicieuse, féerique, tantôt en avive et tantôt en atténue les couleurs.

Bientôt le finale se dessine : allègre, héroïque, mais d’un héroïsme juvénile et léger. Légère également, sans vulgarité ni violence, une fanfare sonne. Des traits rapides, de soudaines attaques annoncent et pour ainsi dire amorcent le thème principal. Il éclate, rappelant un peu certain motif beethovenien (celui du premier morceau de la symphonie en fa), et dans la musique de M. Saint-Saëns on voit, comme il arrive souvent, l’ombre de Beethoven passer par intervalles. De plus en plus la symphonie s’élabore et s’organise. Entre les parties mélodiques et chantantes, voici des passages fugues, qui les relient ensemble. Mais, à peine commencé, l’ingénieux travail s’interrompt. De l’orchestre comme entr’ouvert sortent, l’un après l’autre, un second chant d’amour, puis, en style de marche funèbre, un chant de mort. Voilà déjà, dans une seule symphonie, trois andante, ou du moins trois morceaux d’un sentiment calme et d’un mouvement modéré. Mais aucun d’eux n’est de trop. Ils ont tant de grâce auguste et de beauté pure que pas un ne fait tache. Ils s’enchaînent et s’équilibrent si bien que pas un ne fait longueur.

Maintenant, selon l’ordre en quelque sorte métaphysique qui régit le genre même de la symphonie, la musique passe de la pensée ou de la contemplation à l’acte. Oui vraiment, en ce dernier allegro, la musique agit, marche, court vers un but et se propose une fin. Et cette fin, comme en toute symphonie, est la joie. Autant que l’exposition, la péroraison rappelle Beethoven, ses codas jubilantes et triomphales. Le thème retentit sans cesse, étreint et comme secoué par des mains invisibles et folles d’enthousiasme. L’orchestre fait pleuvoir sur lui des traits éblouissans. Admirons, bénissons même une fois de plus cette catégorie de la beauté sonore qu’est la symphonie, puisque, par une loi de sa destinée et de son être, elle ne manque jamais de s’achever dans l’allégresse, et de répondre à notre éternel désir par une assurance éternelle de bonheur.

Il n’y a pas de musique aujourd’hui qui nous donne au même degré que la musique de M. Saint-Saëns l’impression d’un jeu supérieur et comme divin. La partition des Barbares témoigne à tout instant d’une aisance souveraine et d’une absolue liberté. Elle atteste aussi l’amour, que dis-je, la possession désormais imperturbable d’un art dont la sobriété fait la perfection. C’est à simplifier, à clarifier, que cet art plus