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dirige spontanément vers l’Amérique latine, y a créé, au profil de l’Italie, un état de choses semblable à celui que l’Allemagne a provoqué de propos délibéré. C’est donc sous une autre forme qu’en Allemagne que le problème de l’émigration s’est posé au-delà des Alpes : le gouvernement, en faisant voter la loi récente, a simplement voulu assurer la protection de l’Etat aux émigrans qu’exploitaient sans pitié les agences d’émigration. Mais, dans l’un et l’autre cas, la législation est destinée à faciliter et à activer l’exode des Allemands et des Italiens vers l’Amérique latine. C’est ce qui rend particulièrement intéressant le mouvement analogue qui a son point de départ en Espagne ; car nous voyons ainsi, — sans compter la France, dont l’émigration vers l’Argentine est cependant assez forte, — trois grands pays européens, dont deux de race latine, rivaliser entre eux pour coloniser l’Amérique du Sud. En ce qui concerne l’Espagne, son émigration est déjà favorisée par le fait que les Espagnols et les Sud-Américains, les Brésiliens exceptés, parlent la même langue. Néanmoins, le Congrès de Madrid a estimé que ces facilités naturelles ne suffisaient pas encore, et qu’il y avait lieu d’y ajouter l’action de la législation. C’est pourquoi il a émis le vœu que le gouvernement espagnol prît l’initiative d’une loi sur l’émigration, et qu’il conclût, d’autre part, avec les Républiques hispano-américaines, des conventions destinées à la protection des émigrans fixés dans le Nouveau Monde.

Si l’on examine les propositions que le Congrès désirerait voir servir de base au projet de loi qu’il sollicite, on verra qu’il s’est inspiré de la double préoccupation que nous avons constatée en Allemagne et en Italie : d’abord activer l’émigration espagnole vers l’Amérique du Sud — voilà le but politique et hispano-américain ; puis, protéger les émigrans contre les risques auxquels ils s’exposent — voilà le but humanitaire et philanthropique. À ce dernier point de vue, quelques-unes des suggestions faites par le Congrès semblent avoir été empruntées directement à la nouvelle loi italienne, ou aux règlemens allemands : telles les peines prévues contre les agences d’émigration fonctionnant sans avoir été autorisées par le gouvernement ; telle aussi l’institution d’asiles pour les émigrans dans les principaux ports d’embarquement ; telle encore la création, à Madrid, d’une Junte centrale de l’émigration, qui correspondrait assez exactement au Commissariat général italien.