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issue de l’Union ibéro-américaine, recommandait donc à la Reine Régente de témoigner sa sympathie à cette entreprise en la plaçant sous la protection morale d’une « Junte suprême de patronage. » En conséquence, le décret royal détermina la composition de cette junte suprême, dont la présidence était confiée au ministre des Affaires étrangères ; il détermina aussi la composition de la commission d’organisation, présidée par M. Faustino Rodriguez San Pedro, président de l’Union ibéro-américaine. La Junte suprême de patronage, « comme haute représentation nationale, » disait le décret, devait avoir pour principale attribution de lancer les invitations aux gouvernemens des États hispano-américains dont la participation au Congrès de Madrid était espérée.


Il n’aura pas échappé, d’après ce qui précède, que le succès du Congrès hispano-américain était surtout désiré par l’Espagne, d’où l’on doit conclure que c’est elle qui serait appelée à en tirer les plus grands avantages. Puissance ayant éprouvé un désastre, elle cherchait naturellement un réconfort auprès de ses anciennes colonies. Mais celles-ci répondraient-elles à l’appel de leur ancienne métropole avec autant d’empressement qu’on en avait mis à les inviter ? Ne se détourneraient-elles pas, au contraire, d’un pays que ses malheurs avaient diminué aux yeux du monde ? Telles étaient les questions qu’on pouvait se poser à Madrid, et auxquelles, sans doute, on hésitait d’autant plus à répondre favorablement que l’avortement de l’ « alliance anglo-saxonne » n’était guère un précédent encourageant. A la réflexion, cependant, on aurait pu se rendre compte que ce précédent ne prouvait rien dans le cas de l’Espagne et de ses anciennes colonies. En effet, les États-Unis ont, pour décliner tout rapprochement tant soit peu étroit avec l’Angleterre, des raisons politiques et économiques que les Républiques hispano-américaines du Nouveau Monde ne sauraient avoir à l’égard de l’Espagne. Au point de vue politique, l’Angleterre possède encore, dans l’Amérique du Nord, des intérêts qui sont en opposition avec ceux de l’Union, puisqu’elle y est maîtresse du vaste Dominion du Canada, et que, d’autre part, les impérialistes américains ne cachent pas leur désir d’expulser un jour, comme intrus, les Anglais du Nouveau Monde. Non seulement, donc, les États-Unis sacrifieraient des intérêts américains s’ils consentaient à