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transforma en Empire héréditaire, sa rentrée en scène parut inévitable. Il s’était laissé mettre à l’écart dans la crainte d’être entraîné par la réaction ; il fit de nouveau souhaiter ses services, dès que Bonaparte eut donné aux révolutionnaires le gage par excellence, la vie d’un Bourbon.

Avec ses anciens collègues de la Convention, Fouché prépara et dirigea la nouvelle évolution du régime. Sur sa proposition, le Sénat vote l’adresse demandant des institutions qui assurent l’existence du gouvernement au-delà de la vie de son chef. Au Conseil privé, où la question se débat en présence du principal intéressé, il est le seul avec Régnier à ne pas solliciter en retour quelques garanties pour les libertés publiques ; il lui suffit d’inspirer à M.-J. Chénier la tragédie allégorique de Cyrus, où quelques remontrances discrètes se noient au milieu des adulations. Puis ce sont Treilhard, qui présente au Tribunat le sénatus-consulte créant la quatrième dynastie, Cambacérès qui salue le premier Bonaparte des titres de Sire et de Majesté, David qui traduit sur la toile les splendeurs du sacre, Alquier qui de loin adhère à l’institution impériale comme au développement logique de la dévolution. Si Berlier et Carnot protestent plus ou moins haut contre l’hérédité et pour la liberté, le premier n’en reste pas moins en place et le second ne tarde pas à accepter une pension. Etait-ce donc moins la royauté que le roi que la Convention avait entendu frapper le 22 septembre 1792 ?

Le 11 juillet 1804, Fouché, récompensé de son intervention, rentra au ministère de la Police rétabli en sa faveur. Cette fois sa puissance devait durer près de six ans, traversée par des conflits, par des alternatives de faveur et de méfiance qu’il provoqua quelquefois et dont il sut longtemps prévenir les effets. En homme instruit de tout par état, il essayait de dire son mot sur tout. Ses essais d’intervention indiscrète dans les affaires de l’Empereur ou de l’Empire le compromirent plus d’une fois et finirent par le renverser.

En 1807, il voulut jouer au conseiller intime en précipitant l’affaire devenue inévitable depuis le rétablissement de la monarchie héréditaire, c’est-à-dire le divorce de Napoléon. Entre lui et Joséphine les relations dataient de loin, cimentées par des échanges de services où le ministre apportait de l’argent et l’impératrice son influence. Fouché n’en travailla pas moins à assurer, par un second mariage de son maître, la stabilité d’un