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Les premier actes du ministre de la Police, après le 18 brumaire, accusent son zèle pour provoquer et rendre justifiables les adhésions des vieux républicains au régime nouveau. En désignant pour la déportation trente-quatre réfractaires de son parti, il ne donnait qu’une satisfaction platonique au parti vainqueur, car les soi-disant déportés restèrent simplement en surveillance sur le sol français. Depuis, les généraux qui trahissaient plus ou moins témérairement leurs regrets pour l’ancien régime républicain éprouvèrent les effets de sa protection. Lorsqu’en 1802, il dut découvrir et poursuivra les organisateurs du complot militaire de Rennes, il sut oublier, jusque dans sa correspondance avec le préfet d’Ille-et-Vilaine, le principal conspirateur, Bernadotte. Plus tard, il décida Moreau exilé en Amérique à disparaître sans bruit et empêcha de sévir contre ses complices. Quant aux « anarchistes, » ils lui semblaient avec raison des isolés, partant des adversaires inoffensifs et, de ce côté, il évitait de punir des démonstrations à huis clos et des regrets sans portée. Lui arrivait-il de menacer par ordre les ci-devant conventionnels, comme le jour où il dut faire comprendre à M.-J. Chénier que ses incartades poétiques le mettaient sous le coup d’une arrestation, il savait faire en sorte de n’être pas obligé d’aller plus loin. Les seuls qu’il estimât dangereux étaient les convertis au royalisme. Delahaye, incarcéré à deux reprises, puis relâché sans avoir été même interrogé, connut à cet égard ses véritables sentimens.

L’affaire de la première conspiration Malet (1808) montre bien et l’attitude de Fouché vis-à-vis des hommes de gauche et les obstacles mis autour de lui à son indulgence. Dubois, le préfet de police de la Seine, ne lui pardonnait pas d’occuper une place à laquelle il s’était cru destiné et, en sa qualité d’ex-procureur, il accusait sa faiblesse systématique envers les jacobins. Il crut avoir fait un coup de maître en découvrant sans lui une vaste machination destinée à rétablir la « souveraineté nationale. » D’après une dénonciation isolée, il fit arrêter tout un groupe d’anciens députés et de généraux en disgrâce. Ce n’étaient, excepté Malet, que des individus sans valeur et sans influence, dont un obscur séide de Robespierre, Démaillot, avait réchauffé les ressentimens ; il est vrai qu’ils escomptaient l’adhésion de certains personnages civils ou militaires, Garât, Sieyès, Lanjuinais, Masséna. D’après l’un des conjurés, il fallait ajouter à