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rapproches de la scène obligés de tendre désespérément le cou pour suivre le jeu des acteurs à 3 mètres au-dessus de leur tête ? On para à cet inconvénient en plaçant le banc d’honneur beaucoup plus haut, à la hauteur du quatrième gradin ; mais on conserva l’ancienne proédrie pour certaines cérémonies et pour certaines représentations, comme les jeux thyméliques, qui continuaient à être données dans l’orchestre.

Il suit de là que, loin de contredire la théorie de M. Doerpfeld, l’étude du théâtre de Priène vient la confirmer, au moins pour l’époque hellénistique. Il nous offre toutes les dispositions que l’on est en droit de restituer dans un théâtre du Ve siècle, et si, comme il est permis de le croire, on y représentait encore quelquefois des tragédies de l’ancien répertoire, elles étaient, comme jadis, jouées dans l’orchestre, devant le proscénion. Peut-être, quand on examine sur place la scène et l’orchestre, nos idées modernes sur la solennité des représentations dramatiques sont-elles un peu déroutées. Le théâtre n’était pas très grand ; les spectateurs du premier rang se trouvaient de plain-pied avec l’orchestre, dont rien ne les séparait ; ils voyaient de fort près acteurs et choristes. Cela donne l’idée d’une certaine promiscuité un peu familière. Mais savons-nous si cette idée ne répond pas à la réalité ?

Nous avons signalé les principales découvertes auxquelles les fouilles de Priène doivent leur intérêt. Elles complètent sur plus d’un point ce que nous connaissions de la vie hellénique au temps des successeurs d’Alexandre ; mais surtout elles laissent dans l’esprit du visiteur une impression d’ensemble qui est fort nette. Avec son plan rectiligne, ses larges rues, ses belles ordonnances de monumens, sa physionomie de ville moderne créée pour ainsi dire de toutes pièces, Priène fait très bien comprendre les changemens profonds qui, vers la fin du IVe siècle, ont modifié l’ancienne civilisation grecque. A s’en tenir seulement aux formes extérieures, aux conditions matérielles de la vie, on sent que des exigences nouvelles se sont manifestées ; le goût public s’est transformé ; il réclame dans la décoration architecturale plus d’ampleur et d’harmonie ; il aime les vastes perspectives, les rues bien coupées, les larges places bordées de beaux portiques ; une ville de médiocre étendue, comme Priène, se pare aussi richement qu’une capitale royale. Ce qui est encore digne de