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de toute évidence, servi de décor de fond. Considérons les pilastres auxquels sont adossées les colonnes : voici, très apparentes encore, les rainures où s’inséraient les panneaux de bois peints, les pinakes, qui constituaient un décor mobile, et représentaient tantôt un palais ou un temple, s’il s’agissait d’une tragédie, tantôt un groupe de maisons bourgeoises, si l’on jouait la comédie. Trois de ces entre-colonnemens restaient libres, et correspondaient exactement aux trois ouvertures pratiquées dans le mur de fond.

A n’en pas douter, ils figuraient aux yeux du spectateur les trois portes qui étaient de règle dans un décor grec, et dont l’une, celle du milieu, s’appelait la « porte royale. » C’est par là que les acteurs pénétraient dans l’orchestre, et, pour employer l’expression moderne, entraient en scène, après avoir revêtu leur costume dans les chambres situées à l’arrière-plan. S’ils avaient dû monter sur la plate-forme du logeion, il leur aurait fallu gravir un petit escalier extérieur. Les imagine-t-on montant ces marches en vue du public, alourdis par leur pesant costume, et trébuchant à chaque pas sur leurs épais cothurnes à semelles de bois ?

La trace des décors du proscénion, si visible pour la première fois, suffirait à nous convaincre qu’à Priène, au IIIe siècle, les acteurs jouaient encore dans l’orchestre. Une autre preuve, c’est qu’on supprima ces décors, lorsque, à l’époque gréco-romaine, la scène fut transportée sur le logeion. On boucha, par des murs, les entre-colonnemens devenus inutiles, puisque les panneaux peints avaient émigré, avec les acteurs, sur la plateforme supérieure. La colonnade fut respectée, simplement parce qu’elle existait. Mais elle ne répondait plus à aucune nécessité, et l’on ne saurait conclure de cet exemple que le soubassement de la scène gréco-romaine fût orné de colonnes. D’habitude, il offre une façade tout unie.

La transformation de la scène entraîna d’autres conséquences. Il fallut remanier la plate-forme du logeion. On voit fort bien que le mur de fond fut reporté à 3 mètres en arrière pour donner plus de largeur à cette sorte de tribune, désormais affectée aux acteurs. Enfin, il fallut encore changer quelque chose dans l’hémicycle réservé aux spectateurs. Les anciens sièges d’honneur, placés au niveau de l’orchestre, étaient devenus de fort mauvaises places : voit-on les personnages les plus