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degré, couronné d’une corniche à denticules, et orné de deux frontons latéraux. Celle de Priène avait été dédiée par l’agonothète Pythotimos.

Pour la première fois aussi, la scène nous offre autre chose que des vestiges difficiles à interpréter. Le proscénion de Priène est assurément le plus complet de tous ceux que les fouilles poursuivies en Grèce ou en Asie Mineure ont fait découvrir depuis une dizaine d’années. La colonnade de la façade est intacte, avec ses douze colonnes de front engagées dans des pilastres ; sur un tiers de la largeur, on voit encore en place la corniche et les poutres de marbre qui supportaient le plancher du logeion, large de 2m, 74, et élevé au-dessus du sol de l’orchestre de toute la hauteur de la colonnade, c’est-à-dire de 2m, 70 environ. En arrière de cette construction, on aperçoit le mur qui fermait par devant la skéné ; on distingue les trois portes qui faisaient communiquer la colonnade ouvrant sur l’orchestre avec les chambres du fond où les acteurs revêtaient leur costume. Nulle part on n’est donc mieux placé pour étudier la question qui a longtemps divisé, qui divise encore les archéologues et les historiens du théâtre, à savoir la question du logeion.

Où jouaient les acteurs ? Est-ce dans l’orchestre, en avant du proscénion, dont les décors auraient constitué ce qu’on pourrait appeler la toile de fond ? Est-ce au contraire sur le logeion, sur cette plate-forme qui les aurait élevés à 3 mètres environ au-dessus du sol de l’orchestre ? Tel est le problème, ramené à ses termes essentiels.

Personne n’ignore quelles controverses cette question a soulevées, depuis qu’un archéologue allemand, M. Doerpfeld, s’est inscrit en faux contre l’opinion traditionnelle, qui assignait aux acteurs leur place sur l’étroite tribune du logeion. Familiarisé de longue date avec l’étude technique des monumens, y apportant des connaissances architecturales acquises par la pratique, M. Doerpfeld s’est avisé que les ruines des théâtres grecs pouvaient peut-être nous renseigner aussi bien que les textes. L’examen de ces documens positifs l’a conduit à mettre en doute l’autorité de témoignages écrits longtemps respectés, comme la description du théâtre grec laissée par Vitruve, et à formuler une théorie toute nouvelle[1]. Jusqu’à l’époque romaine,

  1. M. Doerpfeld a exposé sa théorie dans l’ouvrage qu’il a publié en collaboration avec M. Reisch ; Das griechische Theater, 1890. On en trouvera l’analyse et la critique dans une série d’articles que M. Georges Perrot a donnés au Journal des savans, année 1898.