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une statuette d’Alexandre ; le souvenir du roi de Macédoine devait, en effet, être populaire dans la cité ionienne, car nous savons, par une inscription, qu’il avait fait la dédicace du grand temple d’Athéna Polias, achetant sans doute cet honneur par des libéralités faites aux Priéniens[1]. Ces trouvailles concordent avec celles de Délos pour nous apprendre à quel point le dilettantisme artistique avait pénétré dans les mœurs et transformé la physionomie, jusque-là si simple, de l’habitation grecque. Les maisons déliennes contenaient aussi beaucoup de sculptures en marbre, portraits, statuettes de divinités, copies de statues célèbres, comme le Diadumène qui est aujourd’hui la meilleure réplique comme du chef-d’œuvre de Polyclète[2]. Ainsi, dans toute la Grèce, la demeure privée s’ouvrait au luxe de l’art, longtemps réservé aux sanctuaires des dieux et aux édifices publics. Tandis que, dans les grandes capitales, à Pergame, par exemple, les souverains constituaient à grands frais de véritables musées, les particuliers se contentaient de ces copies, où des artistes ingénieux traitaient en sujets de genre les types mythologiques renouvelés par l’esprit hellénistique. On voit déjà se manifester à Priène des habitudes que les Romains adopteront avec empressement, et lorsque, au premier siècle de notre ère, un bourgeois de Pompéi ornait de statues de bronze et de marbre l’atrium et le péristyle de sa maison[3], il ne faisait que suivre une mode inaugurée autrefois par les riches habitans des villes grecques d’Asie.


III

Quelle que soit, pour l’histoire de l’art ionien, l’importance du temple d’Athéna Polias, nous ne nous y arrêterons pas. Aussi bien il est depuis longtemps connu par les restaurations qu’en ont données M. Pullan et M. Thomas, et les principaux fragmens retrouvés par les explorateurs anglais, frises, sculptures, membres d’architecture, ont pris place dans les galeries du British Muséum. Nous ne jetterons donc qu’un coup d’œil à la terrasse qui supporte les puissans soubassemens du temple, pour suivre, dans la direction de l’est, la grande rue dont il a

  1. Rayet et Thomas, Milet, t. II. p. 5 et 6.
  2. Couve, Fondation Eugène Piot, Monumens et Mémoires, t. III.
  3. Voir G. Boissier, Promenades archéologiques, Pompéi, p. 318.