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jouaient, dans la décoration des appartemens, les figurines de terre cuite et les statuettes de marbre. On a longtemps discuté sur l’usage ; auquel étaient destinées les délicates figurines que les nécropoles grecques ont si abondamment livrées. Toutefois, le temps est loin où, pour en expliquer la présence dans les tombeaux, on épuisait toutes les ressources du symbolisme, où l’on découvrait à tout prix un lien entre ces sujets de genre, ces fantaisies humoristiques, et les idées antiques relatives à la vie d’outre-tombe. L’auteur du meilleur travail d’ensemble sur les terres cuites grecques, M. E. Pottier, a démontré jusqu’à l’évidence qu’elles servaient à des usages multiples : « jouets d’enfans, ornementation de chapelles privées, de l’intérieur des maisons, dons faits aux morts, » elles étaient employées à tous ces offices[1]. Nous savons aujourd’hui qu’à Priène, de même qu’à Délos[2], la mode s’était introduite de les utiliser comme de véritables bibelots d’étagère pour égayer la nudité des murs. On a retrouvé dans les ruines des maisons privées des figurines de types très variés, les unes reproduisant des sujets mythologiques, comme Eros, Aphrodite, Némésis, les autres appartenant à la catégorie des sujets de genre, comme la jeune fille jouant de la lyre, accompagnée de sa suivante, ou le pédagogue conduisant son élève. Peut-on aller plus loin, et leur assigner leur place dans la décoration des pièces ? Voici justement, dans une des maisons les mieux conservées, une chambre dont le mur est orné, aux deux tiers de la hauteur, d’une corniche saillante, assez large pour que de menus objets puissent y être posés. N’est-ce pas là que s’alignaient, au gré du possesseur, les terres cuites dont les silhouettes gracieuses amusaient le regard, et est-ce une hypothèse trop hardie que d’imaginer, suspendus au plafond par un fil, des Eros battant des ailes, figurés en plein vol, semblables à ceux que nous ont fait connaître les fouilles de Myrina ?

Outre les terres cuites, les statuettes de marbre concouraient encore à la décoration des pièces, et surtout, semble-t-il, à celle de la cour à portiques. Le déblaiement des maisons en a fait découvrir une assez riche série, et quelques-unes sont de véritables œuvres d’art ; dans le nombre, beaucoup d’Aphrodites, et

  1. Pottier, Les figurines de terre cuite dans l’antiquité, p. 218.
  2. Pour l’ornementation de la maison délienne, voir L. Couve, Bulletin de correspondance hellénique, 1895, p. 472.