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Bien que, dans les habitations de Priène, le plan soit loin d’être uniforme, il peut cependant se ramener à certains élémens essentiels qui ne varient guère. Les pièces du rez-de-chaussée, parfois placées à un niveau inégal, en raison de la déclivité du sol, sont groupées autour d’une cour centrale, entourée de colonnes formant péristyle. C’est là le contre de la vie de famille. C’est dans les chambres communiquant avec le péristyle que l’on se tient l’hiver ; c’est sous la colonnade que, pendant l’été, on jouit à la fois de l’ombre et de l’air, sans que le repos soit troublé par le bruit de la rue. À vrai dire, la cour à péristyle a été de tout temps ce qui caractérise le plus nettement l’habitation grecque. Le principe trouve déjà son application dans la cour αὐλή (aulê) du palais mycénien[1], et l’on ne conçoit pas autrement, d’après les textes, la maison athénienne du Ve et du IVe siècle. Il suffit de se rappeler le début du Protagoras, où Platon décrit la demeure du riche Callias, et montre la cour et les portiques envahis par les disciples de Protagoras, tandis que, dans la pièce du rez-de-chaussée qui sert de bureau à Callias, on aperçoit un autre sophiste, Prodicos de Céos, encore couché, et enveloppé de fourrures et de couvertures. Comme les mêmes dispositions ont été constatées dans les maisons de Délos, on peut affirmer que les habitudes grecques avaient peu changé à l’époque hellénistique, et l’on comprend comment celle persistance des traditions explique l’aménagement de la demeure pompéienne.

Quel aspect présentait l’intérieur d’une des riches maisons de Priène qui paraissent avoir occupé tout un quartier, à l’ouest du temple d’Athéna ? En voici une qui doit avoir appartenu à un bourgeois aisé. La cour est vaste ; on y voit encore un bassin de marbre en forme de chapiteau. Les murs sont à la vérité fort délabrés. Pourtant, une des pièces a conservé les siens et les parois en sont à peu près intactes jusqu’aux deux tiers de la hauteur. Un touriste indifférent passerait sans s’arrêter ; mais des particularités intéressantes s’imposent à l’attention de l’archéologue. On distingue fort bien les traces d’un revêtement en stuc de marbre très fin, posé avec grand soin, et les restes d’une ornementation exécutée tantôt au pinceau, tantôt plastiquement : une frise de triglyphes, des cimaises à denticules, des

  1. Voir G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’art, dans l’antiquité, t. VI, p. 702.