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de la ligne principale, pénètre dans la haute plaine du Méandre, et aboutit à Sokhia. Chef-lieu du caza de Sevké, résidence d’un kaïmacam turc et d’un évêque grec, cette petite ville n’offre guère à la curiosité du voyageur que les rues ombragées et bruyantes d’un bazar anatolien.

Nous avons tout le loisir de les parcourir, durant les heures d’attente inévitable qu’il faut subir, tandis que dans la cour du khan on apprête avec lenteur un véhicule auquel il ne manque que des chevaux introuvables. Enfin le moment vient où, escortés d’un cawass tcherkesse, emportés au galop inégal et capricieux d’un attelage de rencontre, nous suivons la route mal frayée qui conduit à Priène. Pendant près de deux heures, nous longeons la base du Samsoun Dagh, l’ancien mont Mycale, qui étend dans la direction de la mer son échine aiguë, et, du côté sud, abaisse ses pentes dénudées vers la plaine marécageuse où se traînent les eaux du Méandre. Au-delà du hameau de Kélébech, dont les masures grises s’échelonnent sur le flanc de la montagne, une maison entourée de verdure annonce le voisinage du champ de fouilles : c’est la résidence de la mission allemande.

Pour prendre une idée d’ensemble de la situation de Priène, on est fort bien placé sur la terrasse du temple d’Athéna Polias. La ville s’étageait sur les pentes du mont Mycale, au pied d’un éperon rocheux, haut de 370 mètres, qui se détache de la montagne comme une proue de vaisseau et abaisse vers la plaine son flanc abrupt, taillé à pic, semblable à une formidable muraille de calcaire gris. Sur ce plateau, difficile d’accès, auquel conduisait seulement un âpre sentier, on a reconnu les vestiges de l’Acropole, qui n’était guère qu’une place de refuge en cas d’alerte. Le rocher de l’Acropole, les gorges sauvages qui l’enserrent, font à la ville, du côté nord, un cadre sévère et imposant. Du côté sud, l’aspect change, pour prendre un caractère de grandeur tout différent. Le regard découvre la vaste étendue de la plaine formée par le lent dépôt des alluvions du Méandre. Les atterrissemens du fleuve ont fait reculer la mer, qui venait jadis battre les môles du port de Priène ; ils ont créé le steppe uni et nu qu’on appelle l’Alan, et dont la description a été faite de main de maître par 0. Rayet. « Le sol y est dur, couvert d’une herbe rase et drue, et retentit sous le pied des chevaux comme le turf d’un champ de courses. Pendant l’été, alors que le