peccadilles[1], assuré d’avance qu’elles lui seront facilement pardonnées. Aussi, bien que tenté, en quelques cas extrêmes, de présenter une réserve pédantesque, se laisse-t-on, le plus souvent entraîner au plaisir de suivre sans murmure un compagnon aimable par les voies capricieuses où il vous entraîne à sa suite. Abandonnant toute arrière-pensée, l’on s’y sent heureux de l’air pur qu’on respire à ses côtés, des caresses des branches, dont les doigts verdoyans vous flattent au passage, et du salut silencieux des fleurettes, qui, ayant reconnu de loin leur prêtre et leur ami, font bon visage à qui s’abandonne entre les mains d’un tel guide. Cédons en conséquence une fois de plus à la tentation de le traduire, et terminons cette revue de l’œuvre purement poétique de Christian Wagner par la gracieuse légende du Puits des liserons[2].
Je dirige aujourd’hui mon pèlerinage vers la clairière verdoyante, semée d’innombrables œillets d’eau, d’un rose pâle, et, de là, vers le puits mystérieux de la forêt.
Parmi la multitude des liserons bleuâtres, caché dans la demi-obscurité des bois et rarement visité par un rayon de soleil, on voit un puits tranquille et sans fond. Et ce puits, si différent de tous, a, dans le village, une légende singulière. Quiconque veut savoir quelle fut jadis son apparence alors qu’il était un enfant, n’a qu’à s’approcher de ses eaux. Qu’il aille donc vers le puits solitaire, et laisse tomber une pierre en son onde. Alors quelque chose semble se dégager de l’eau que la profondeur du souterrain rend invisible. Un enfant aux joues en fleurs monte de l’abîme en interpellant par son nom le visiteur. Il tend ses petites mains vers le vieillard, et celui-ci se sent attiré malgré sa résistance. A la fois désespéré et charmé sous ce regard naïf qui fascine, devant ce visage juvénile qui l’invite à plonger à sa suite dans le gouffre, il lui paraît qu’au sein de ces eaux seulement il trouvera la guérison des blessures de la vie. Ne s’endormira-t-il pas délicieusement près du deux bambin dans l’abîme ? Et, enivré par les délices de l’enfance un instant entrevue, il s’enfonce dans l’onde avec l’apparition[3].
Les grands lyriques ont-ils jamais traduit sous une forme plus naïve et plus puissante à la fois le regret de la jeunesse écoulée sans retour ? Et quel charme pour les concitoyens de Wagner, s’ils savaient mieux le comprendre, que de voir ainsi illustrés, vivifiés par la puissance créatrice d’un poêle, les sites familiers de leur voisinage !