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biens. Pour les réaliser, ni l’Allemagne, ni l’Italie d’aujourd’hui ne regrettent ce qu’elles ont dû faire de sacrifices ; et le moment approche où les États-Unis eux-mêmes, par d’autres moyens, les imiteront. Mais encore faut-il savoir quelle est la nature de ces moyens ! La fin ne les justifie pas tous ! Il y a des sacrifices que nous ne saurions faire ! Et il faut surtout se garder de confondre l’unité avec ce qui n’en est souvent que la contrefaçon.

Les gouvernemens, en général, n’hésitent guère sur ces deux points, et pour la réaliser, cette unité, ni Louis XIV n’a cru que les dragonnades, ni la Convention n’a pensé que la permanence de la guillotine en fussent des moyens condamnables ou illégitimes. Mais, si violens qu’ils fussent, — ou peut-être parce que violens, — ces moyens sont demeurés inefficaces, et, l’histoire est là pour nous le dire, quelle est cette « unité » qu’ils ont réalisée ? La Révolution d’abord, et, depuis la Révolution, l’histoire entière du XIXe siècle ont bien montré ce qu’elle avait de factice ou d’artificiel. Ceux qui s’efforcent aujourd’hui de la reconstituer par des moyens, non pas précisément moins violens, mais, je le répète, plus hypocrites, comme, par exemple, en étranglant doucement la liberté d’enseignement, n’y réussiront pas, eux non plus, et ce que n’ont pu ni le dragon ni le bourreau, l’instituteur laïque ne le pourra pas davantage, ni le clergé constitutionnel ou « national, » si jamais on brisait les liens qui le rattachent à Rome. Au contraire, et comme autrefois, c’est une cause de division nouvelle qu’on introduirait parmi nous. Une Eglise « nationale » aurait d’abord contre elle tous ceux qui partagent les opinions que nous venons d’exprimer, et qui ne conçoivent pas qu’une Eglise puisse vivre, sans cesser d’en être une, dans la dépendance de l’État. Elle se heurterait aux mêmes résistances qu’autrefois le « gallicanisme « ou la « constitution civile » du clergé. La Papauté, comme alors, interviendrait au débat. Il y aurait schisme. Si nous avons déjà quelque peine à nous entendre sur la question des rapports de l’Eglise et de l’État, nous nous entendrions encore moins sur ceux d’une Eglise séparée avec l’Eglise universelle. Alors comme autrefois, sur ces questions douteuses qui flottent, pour ainsi parler, aux confins du « temporel » et du « spirituel, » on verrait des prêtres, et mêmes des évêques, revendiquer contre le Pape l’autonomie de leurs opinions. Nous prendrions parti pour l’un ou pour les autres. La passion s’en mêlerait. Et ainsi le moyen