Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bas et plat utilitarisme. Sur l’origine du monde et sur « le nommé Dieu, » on ne professera plus dans nos lycées que les opinions qui seront reconnues conformes au dernier état de la science, ce qui veut dire, pour parler plus franchement, « analogues » aux nécessités de la défense républicaine ! Pareillement, à une Eglise nationale correspondra d’abord un Credo national dont on arrêtera les termes en Conseil d’Etat. La France étant catholique de tradition, de mœurs et de fait, on respectera le catholicisme, mais, s’il s’élève une difficulté d’interprétation sur un verset de saint Paul ou de saint Jean, c’est la section du « contentieux » qui la tranchera. Des fonctionnaires du ministère des Cultes « expurgeront » le catéchisme ; et les prédicateurs ne leur soumettront peut-être pas leurs sermons, mais de sévères « communiqués » en assureront l’orthodoxie politique. Est-ce que j’exagère ? Est-ce que ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans les Eglises vraiment « nationales, » en Russie, par exemple, sous l’œil inquisitorial de M. Pobédonotseff ? et en Angleterre même, au moins dans l’Eglise « établie ? » Les récentes biographies de Wiseman, de Newman, de Manning ont remis en lumière la mémorable allaire du révérend Gorham. Comme il niait « la régénération spirituelle de l’homme dans le baptême, » l’évêque d’Exeter avait refusé de l’investir de je ne sais plus trop quel bénéfice à charge d’Ames, et la juridiction ecclésiastique de la « Cour des Arches » avait confirmé la décision de l’évêque. Mais le révérend Gorham en appela de la « Cour des Arches » au « Conseil privé de Sa Majesté la Reine, » et, le 8 mars 1850, un arrêt de cette cour laïque déclara que le fait de ne pas croire « à la régénération spirituelle de l’homme dans le baptême » ne saurait empêcher un ministre anglican d’être investi d’un bénéfice. On se rappellera qu’au XVIIIe siècle, les « gallicans » de nos Parlemens ont rendu plus d’un arrêt semblable, notamment dans l’affaire des refus de sacremens. Nos tribunaux les imiteraient, si nous avions une Eglise « nationale, » vraiment « nationale, » et, contre son évêque, vous les verriez maintenir en fonctions le curé qui s’aviserait de mer « l’infaillibilité pontificale, » ou « l’immaculée conception de la Vierge ! » Il suffirait pour cela, que le ministre n’y crût pas lui-même, ou qu’il jugeât bon, et le Conseil avec lui, d’éliminer du nombre des articles de foi ces deux dogmes « nouveaux. » A moins encore qu’étant le gouvernement ou