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remarque, ont beaucoup admiré cette faculté que possède effectivement l’Eglise catholique, d’absorber ses propres hérétiques, et de faire servir l’intempérance même de leur ardeur à ses progrès et à sa gloire. L’hérétique est « celui qui a une opinion, » et l’Eglise catholique, tout au rebours de ce que l’on croit, ne condamne une « opinion » qu’autant qu’il lui est tout à fait impossible de la concilier avec son enseignement. C’est aux congrégations qu’il appartient plus particulièrement de surveiller la naissance de ces « opinions » qui souvent, à leur début, n’ont rien de condamnable ou de répréhensible, d’en suivre le développement, d’en arrêter les déviations, et d’épuiser, pour les concilier, tout ce qu’il y a de ressources dans la vitalité, et, si je l’ose dire, dans la « plasticité » de la tradition dogmatique. Elles nous apparaissent ainsi comme chargées d’entretenir dans le corps de l’Eglise la circulation de l’unité. S’il arrive que le mouvement se ralentisse ou s’interrompe quelque part, il leur appartient de le rétablir ou de l’activer. S’il est trop rapide, elles le modèrent. Elles le redressent quand il s’égare. Et puisqu’il ne saurait y avoir de catholicisme « individuel » ni « local ; » puisque les expressions mêmes sont contradictoires ; l’universalité, la pérennité, l’ubiquité du catholicisme, c’est, entre les mains du Souverain Pontife, et sous son inspiration, ce que les congrégations ont pour objet d’assurer. Elles font équilibre aux tendances « particularistes » des clergés nationaux. Et comme au fond on le sait, et parce qu’on le sait, c’est pour cela que, dans la discussion de la loi sur les associations, on a feint de vouloir distinguer, séparer l’une de l’autre la cause du clergé séculier, diocésain, paroissial, « national, » de la cause des congrégations. On a essayé perfidement d’intéresser le second à la ruine des premières. Mais c’est aussi pour cela qu’il ne faut voir dans la loi qu’un acheminement vers la constitution d’une « Eglise nationale : » — et c’est ici qu’il faut examiner ce que c’est qu’une « Eglise nationale ; » comment elle pourrait devenir « nationale » sans cesser d’être « universelle ; » et si la notion même d’Eglise n’est pas incompatible avec ce mot de nationalisation.


II

Que le pouvoir civil, en tout temps, ait essayé de « nationaliser » l’Église, on le conçoit aisément, et il faut convenir qu’à