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l’indépendance entière. « Tu croiras ce que nous croyons, tu le feindras du moins, ou tu seras traité, dans ta propre patrie, comme n’étant plus digne d’en être un citoyen ; et tu plieras devant nous, puisque nous avons la force, ou lu chercheras d’autres climats, sous lesquels tu puisses vivre en homme. » On ne saurait donner un résumé plus fidèle de l’esprit de la loi sur « la liberté d’association, » ni donc en imaginer un plus conforme à l’esprit de la révocation de l’Edit de Nantes.

Ainsi l’Europe entière du XVIIe siècle, Angleterre, Prusse, Hollande, Russie mente enrichies de l’industrie, du travail, de l’intelligence de nos exilés ou de nos « expulsés ; » ainsi deux siècles écoulés depuis lors ; ainsi la « tolérance » poussée jusqu’à l’indifférentisme, la dialectique de Bayle, l’esprit de Voltaire, l’éloquence de Mirabeau ; ainsi la Révolution, et une révolution dont on a pu dire que la grande erreur était de s’être exagéré « le droit de l’individu ; » ainsi toutes ces polémiques ardentes et passionnées dont le tumulte a rempli l’histoire des idées au XIXe siècle, rien de tout cela n’a pu nous servir de « leçon ! » et ce que la République a trouvé de mieux, après deux cents ans écoulés, pour se défendre contre les dangers qui ne la menaçaient point, ou pour consolider l’unité morale de la patrie, ç’a été de reprendre les pires erremens de la monarchie. Quelle est la signification de cet étrange phénomène ? et, depuis deux cents ans qu’on eût cru que tout avait changé, comment se fait-il qu’en continuant de « flétrir » la révocation de l’Edit de Nantes, et généralement la politique religieuse de l’ancien régime, nous ne semblions avoir d’objet que de la recommencer ? C’est que le rêve d’une « Eglise nationale » continue de hanter nos esprits. « Internationalistes » ou « cosmopolites » en tout le reste, nous redevenons « nationalistes » en matière de religion. S’il existe un moyen sûr, presque infaillible, de soulever contre le catholicisme une nation catholique, c’est de lui montrer aujourd’hui, dans le chef du catholicisme, un « souverain étranger. » Plus d’affaire avec le Vatican ! C’est le mot d’ordre de tout un parti ; et, dans la discussion à laquelle a donné lieu la loi contre les congrégations, j’oserais presque dire qu’aucun argument, — si c’en est un, — n’a fait plus d’impression, désemparé plus de consciences, ni déterminé plus de votes.

On aurait tort, en effet, de croire que nos gouvernans, en général, soient animés contre le catholicisme lui-même, et surtout