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grégarines. Ces particularités ont une raison d’être. Elles s’expliquent par les circonstances de l’évolution du parasite, qui ne peut se reproduire indéfiniment, à l’intérieur de son hôte. Il doit en sortir, à un moment donné, et tomber dans le milieu extérieur. Il y arrive, non sans doute à l’État libre, — la transition serait trop brusque pour être supportée, — mais sous forme de kyste, c’est-à-dire de sac protégé par une épaisse enveloppe, à l’intérieur duquel se développent les propagules préposés à la continuation de l’espèce, corpuscules falciformes ou sporozoïtes. La véritable nature de ces kystes est encore obscure et incertaine : il en sera question plus loin. Quoi qu’il en soit, leur maturation doit se faire à l’extérieur. Pourquoi ? Les zoologistes ne sont pas embarrassés pour le dire. Ils sont, comme l’on sait, des téléologistes déterminés : toute circonstance favorable à un résultat est, pour eux, une cause de ce résultat. Or, il n’est pas douteux que, si le parasite ne pouvait quitter son hôte, il mourrait avec lui et l’espèce perdrait bien des chances de se perpétuer. Il faudrait que cet hôte devînt, au moment opportun, la proie d’un autre animal de même espèce. Disons plutôt qu’il s’agit d’une question de fait : la grégarine se propage, à un moment donné, par des kystes dont la maturation se fait au dehors, dans le milieu ambiant. Il faut donc que celui-ci offre des conditions favorables : l’extrême sécheresse, l’éclat des rayons solaires, auraient bientôt fait de détruire les spores : il leur faut l’ombre et l’humidité.


L’apparence de la grégarine adulte est celle d’un très petit ver blanchâtre. L’exiguïté de sa taille la soustrait à la vue simple. Les plus grosses atteignent à peine quelques dixièmes de millimètre. On connaît, cependant, une espèce géante, que E. van Beneden a trouvée chez le homard, et dont il a donné en 1871 une excellente monographie. Cette grégarine colosse ne mesure pas moins de 16 millimètres de long avec une largeur dix fois moindre. La grégarine du homard n’est pas seulement le plus grand des sporozoaires, c’est aussi le plus grand de tous les êtres qui forment le sous-règne des protozoaires.

La forme des grégarines varie quelque peu. Le plus souvent, elles ont l’aspect d’une bouteille ou d’un cruchon qui serait rempli de protoplasma. La grégarine du ténébrion ou ver de farine, si abondant dans les boulangeries mal tenues, a la forme des anciens canons : la bordure de la gueule représenterait la partie antérieure de l’animal, sorte de premier segment ou protomérite, selon la nomenclature de A. Schneider ; le reste, volée de la pièce et culasse, est l’image du