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Et chacun se remet à sa petite besogne.

3e journée, le 1er septembre ; arrivée officielle. Même cérémonie en sens inverse : le même canot de même ! — c’est un peu comme « la voiture de M. le ministre… » ( ô banalité des temps ! ) débouche de Port-Haliguen et il faut les bons yeux de nos timoniers pour l’apercevoir. Il s’approche, il s’approche… Il passe près de nous : tambours, clairons, cris, coups de canon, visites officielles avec un bon sourire du nouveau chef, et puis visites de courtoisie de l’Etat-major nouveau.

Et chacun reprend sa petite besogne.


2 septembre. — Nous aurons ce soir une attaque de l’escadrille de torpilleurs de Lorient. On la promet sérieuse : il y aura des torpilles lancées (avec cônes en cuivre s’aplatissant sur les robustes carènes des cuirassés, ce qu’on appelle des « cônes de choc »), des projecteurs en action, du canon tiré ; et comme nous sommes mouillés au nord de la double ligne des cuirassés, fort près d’un éclaireur qui garde ses feux de position allumés pour qu’on ne torpille pas ses faibles flancs, il y a gros à parier que nous verrons de près nos dangereux adversaires.

8 h. 30 du soir. La nuit est à peu près noire, le ciel s’étant couvert fort à propos pour masquer


Cette obscure clarté qui tombe des étoiles…


nous avons tout éteint à bord, absolument tout ; mais, comme les dynamos marchent, sous le pont cuirassé, les projecteurs s’allumeront instantanément, aussitôt qu’un torpilleur sera entrevu dans l’ombre. Tous les hommes désignés pour la veille sont à leur poste : les armemens d’artillerie légère à leurs pièces, les marins torpilleurs à leurs projecteurs électriques, les limoniers sur les passerelles, écarquillant leurs bons yeux. Et c’est un timonier, en effet, qui aperçoit le premier… Vite ! Alerte ! alerte pour le 2e secteur ! Le projecteur bâbord de la passerelle est braqué, pointé, allumé… Le voilà ! Au travers d’un rideau de gaze lumineuse, voilà l’avant du torpilleur !… La coque est peu visible, peinte en noir mat, mais on voit le bourrelet scintillant de l’eau qu’elle déplace… et c’est toujours ainsi que le minuscule assaillant se dénonce. Le voici à bonne portée : feu ! feu !…

Un moment après et pour n’en avoir pas le démenti sans