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C’est une jolie formation, qui protège bien « le convoi » représenté par les trois paquebots. Il faudrait peut-être une arrière-garde, pour couvrir les derrières, que des torpilleurs ennemis attaqueraient facilement, cette nuit. Mais voilà ! Toujours cette pénurie de bâtimens légers !…

A la nuit, nous faisons route sur la pointe sud de l’île de Ré. Temps splendide, calme plat.


29 août. — Aurore délicieuse : ce qu’il y a de plus exquis dans le ciel, ce n’est pas le côté lumineux où la « Rhododactyle Eos » entr’ouvre, comme elle le fait depuis si longtemps, les portes d’or de l’Orient, mais bien le côté du couchant : une « panne » de brume d’un gris doux, un peu mauve, à l’horizon ; puis, au-dessus, dans le pur éther, des teintes d’une harmonie et d’un fondu admirables, de la topaze claire à l’opale bleutée.

Aucun incident pendant la nuit. Point d’attaque. La division légère a dû se rapprocher pour rester à portée des signaux, mais la voici qui regagne en « s’égayant » ses postes d’éclairage de jour.

Qu’est ceci ?… Des signaux qui montent aux mâts du Masséna… « Venir tout à la fois au sud et se préparer au combat ! » Vile ! clairons, tambours ! Branle-bas de combat ! — en même temps que le « branle » des hamacs, car la moitié de notre équipage est encore couchée… Allons ! leste, garçons ! Les armes, les équipemens !… Les soutes ouvertes partout, la pression aux hydrauliques des tourelles, les treuils électriques des monte-charges prêts à marcher !… Allons ! ça y est, nous sommes prêts, et pour le prouver nous promenons sur l’horizon les longues volées de nos énormes 340.

Mais non… c’était une fausse alerte : l’escadre de défense, décidément, n’est pas là et nous n’aurons à en découdre — dans une heure environ — qu’avec les batteries de la côte. En attendant, nous reprenons la route primitive qui nous fait longer à bonne distance l’île de Ré et doubler le phare de Chauveau. Il est 6 h. 50 ; on a le temps de déjeuner et de prendre la tenue de jour. La bordée de quart commence à disposer les embarcations, qu’il faudra débarquer aussitôt mouillés là-bas, devant la Pallice…

— Mais si les batteries de côte vous arrêtaient ?

— Ah ! par exemple… Il ferait beau voir cela !

8 h. 30. — Nous reprenons nos postes de combat, serrant