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sans doute jamais en tant d’importance politique ni n’a plus fait pour réveiller le sentiment national. » (Settembrini, Lezioni, t. III, p. 213.) La critique italienne au XIXe siècle a fait en général œuvre de patriotisme plutôt que de littérature, et, pour cette raison, on ne peut se fier entièrement à elle. Il faudrait maintenant étudier Alfieri de plus près. Mais, en attendant, ce que nous pouvons dire, c’est qu’aucune de ses tragédies n’a conquis dans l’histoire de la littérature européenne un rang qui l’égale aux tragédies de Racine ou de Corneille, et à plus forte raison de Sophocle ou d’Eschyle. On nous permettra donc de ne pas insister davantage.

A plus forte raison ne rappellerons-nous que pour mémoire, comme l’on dit, les tentatives plus ou moins heureuses que l’on a faites au XIXe siècle, en France, et depuis le romantisme, pour rendre à la tragédie quelque chose de son antique splendeur évanouie. On raconte ce mot de l’auteur de Louis XI, des Vêpres siciliennes, et des Enfans d’Edouard : « Ce n’est pas bon, disait Casimir Delavigne, en parlant de Marion Delorme ou du Roi s’amuse, ce que fait ce diable d’Hugo, mais cela empêche de trouver bon ce que je fais. » Il avait raison. Quoi que l’on pense du drame romantique, — et, sans y regarder aujourd’hui de plus près, j’entends ce drame dont on peut dire qu’il procède plutôt de la poétique de Shakspeare, si mal que d’ailleurs on fait souvent comprise, — le drame des Dumas et des Hugo, qui n’a ni égalé, ni remplacé la tragédie, nous en a depuis tantôt cent ans comme enlevé le sens. Une preuve en est que l’on ait pu parler sérieusement du « romantisme des classiques. » Comme si les deux mots, dans l’histoire et dans l’art, n’exprimaient pas précisément des conceptions opposées, adverses, et contradictoires de l’art et de la vie ! Quoi d’étonnant, eu ces conditions, qu’aux environs de 1843, dans une atmosphère sursaturée, pour ainsi dire, de romantisme, la tentative d’un Ponsard n’ait pu finalement qu’avorter. Ni Lucrèce, en effet, ni Charlotte Corday, ni le Lion amoureux ne sont des tragédies, mais tout au plus des tragi-comédies, qui valent ce qu’elles valent, c’est-à-dire assez peu de chose, et François Ponsard a pu d’ailleurs avoir toutes sortes de mérites, excepté celui de comprendre la nature du « genre » qu’il prétendait ressusciter.


Concluons donc que le monde n’a connu, dans l’histoire