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accueille, après les avoir à son insu encourages, tous ceux qui se présentent, depuis le domestique qui a vidé son maître, jusqu’à la courtisane qui a vendu sa beauté. » Au surplus, si l’ouvrier, par « le travail honnête, » gagne à peine de quoi vivre, comment gagnerait-il de quoi épargner[1] ? Et ce raisonnement vaut ce qu’il vaut, et ces sentimens sont ce qu’ils sont, mais ils ne peuvent être ignorés, et ils ne sont pas rassurans.

C’est à rassurer l’épargne effarouchée que s’appliquent, en n’y réussissant qu’assez lentement, les lois, décrets et arrêtés accumulés dans la dernière moitié de 1848 et dans les cinq années de 1849 à 1853[2]. Peu à peu, pourtant, l’épargne reprend son niveau, et le garde jusqu’aux catastrophes de 1870, où, d’autres causes produisant des effets semblables, le gouvernement de la Défense nationale se voit contraint de rendre un décret qui rappelle ceux du gouvernement provisoire, et que, du reste, on se hâte d’abroger dès qu’on le peut[3]. A nouveau, l’esprit français retrouve sa pente : le niveau se rétablit, pour monter ensuite si rapidement, que l’épargne, comme la mutualité, croissant et multipliant, on doit multiplier aussi les prises, les récepteurs, l’outillage de l’épargne. Il y aura donc, par surcroît, une Caisse d’épargne postale[4], ou plutôt des caisses d’épargne postales ; tous les bureaux de poste seront ses succursales dans les départemens ; et, de plus, la caisse nationale d’épargne aura des succursales à l’étranger, sur terre et sur mer, en quelque sorte : elle aura des succursales navales[5], afin qu’il ne se perde pas un grain, pas une goutte de l’épargne française.

Tout est ainsi recueilli, condensé, concentré ; quelques-uns disent : trop condensé, trop concentré, et ils manifestent des craintes ; s’il survenait une crise violente, un de ces événement à la merci desquels nous sommes toujours ? Mais, comme le pire danger serait que ces craintes dussent, en attendant la crise, provoquer la panique, la loi du 3 février 1893 interdit et réprime « les manœuvres contre les caisses d’épargne. » Et, de même encore que la mutualité a été réorganisée par la loi

  1. Louis Blanc, Organisation du travail, 5e édition, p. 58.
  2. Loi du 21 novembre 1848, arrêté du 2 mai 1849, loi du 29 août 1850, loi du 30 juin 1851, décret du 15 avril 1852, loi du 7 mai 1853.
  3. Décret du 17 septembre 1870, abrogé par la loi du 12 juillet 1871.
  4. Loi du 9 avril 1881, décret du Ml août 1881, loi du 3 août 1882, loi du 6 juillet 18S3, loi du 26 décembre 1890.
  5. Décrets du 29 octobre 1885 et du 22 novembre 1886.