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rêvé, l’organisateur du travail, il dut se contenter d’être l’arbitre de certains différends entre patrons et ouvriers[1] ; au lieu de fonder en bloc un système social nouveau, « la commune industrielle, » par l’association et la coopération[2], il dut se contenter de fonder en détail, dans le système social en vigueur, des associations coopératives, dont la plupart d’ailleurs devaient réussir pis que médiocrement, et borner à une série de petites expériences privées la grande expérience nationale qu’il voulait tenter avec l’aide et sous le contrôle de l’Etat[3]. Toutefois, grâce à ces petites expériences, de proche en proche, la coopération se serait répandue et aurait gagné la province ; alors on eût appelé la loi à l’aide, car, dès cet instant, la loi crée.

Si 1848 fit positivement assez peu, c’est ensuite qu’au milieu du chemin, les journées de Juin et les craintes incessantes causées par les ateliers nationaux vinrent couper l’élan et briser le ressort. Non seulement on s’arrêta, mais on réagit. La preuve en est dans la discussion, du reste fort remarquable, que soulevèrent à l’Assemblée nationale le paragraphe VIII du préambule et l’article XIII du texte même de la Constitution ! Ce droit au travail que tout de suite, en février, et comme une préface à son œuvre, ou coin nie une espèce de denier à Dieu, le gouvernement

  1. Conciliations dans les grèves des établissement Derosne et Cail ; des paveurs (réparation des rues bouleversées par les barricades) ; des omnibus, favorites, fiacres, cabriolets et voitures publiques ; des couvreurs ; des mécaniciens, ouvriers en papiers peints, débardeurs, chapeliers, plombiers-zingueurs, maréchaux, blanchisseurs, boulangers… Ibid, p. 194-195. »
  2. Comtesse d’Agout (Daniel Stern), Histoire de la Révolution de Février, citée dans Révélations historiques, t. II, p. 200.
  3. Associations ouvrières de tailleurs d’habits, tailleurs de limes, cuisiniers, formiers pour chaussures, ébénistes, menuisiers en fauteuils, selliers, fileurs, etc. En quelques mois, on put compter plus de cent associations ouvrières de toute profession. (Une coopérative de bijoutiers existait déjà depuis 1843.) D’après Louis Blanc, elles jouissaient de la confiance publique, et quelques-unes étaient allées jusqu’à émettre une sorte de papier-monnaie, des bons mensuels qui étaient acceptés par le petit commerce. En 1849, on songea à les fédérer en un Comité central des Associations ouvrières, et c’est alors que se forma l’Union des Associations, avec un comité de 23 membres, dont le fondateur fut du reste poursuivi et condamné. La plupart de ces associations succombèrent, quelques-uns disent au mauvais vouloir du gouvernement et de la police qui y voyaient surtout des associations politiques. Toutefois, en 1859, on citait encore des associations de menuisiers, maçons, formiers, ébénistes, tourneurs, ferblantiers, brossiers, lunetiers, forgerons, graveurs, charrons, fabricans de machines, de pianos, etc. Deux ou trois (les formiers, les maçons) semblaient prospérer. De toutes ces associations, celle des tailleurs peut être prise pour type. Elle débute par la commande de 100 000 tuniques de la garde nationale pour finir par l’ouverture d’un fourneau économique. — Voyez Louis Blanc, ouvrage cité, I, p. 203 et suivantes.