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pour loger environ quatre cents familles d’ouvriers, dont chacune aurait eu son appartement séparé, et auxquelles le système de la consommation sur une grande échelle aurait assuré, en matière de nourriture, de loyer, de chauffage, d’éclairage, le bénéfice des économies qui résultent de l’association[1]. »

Les actes furent, outre ceux plus haut rapportés : 8 mars, un décret « établissant des bureaux de l’enseignemens pour faciliter les rapports entre les personnes qui cherchent du travail et celles qui demandent des travailleurs ; 21 mars, un arrêté « relatif à la répression de l’exploitation de l’ouvrier par voie de marchandage ; » 3 avril, 22 mai et 20 juin, trois décrets allouant des crédits ou des subventions aux ateliers nationaux ; 30 mai, un décret substituant le travail à la tâche au travail à la journée ; 5 juillet, un décret relatif aux associations ouvrières de production[2] ; 9 septembre, enfin, le décret-loi relatif aux heures de travail dans les manufactures et usines ; — je passe quelques décrets ou lois sur les conseils de prud’hommes et les caisses d’épargne, qui sont, ainsi qu’on l’a vu, depuis les premières années du XIXe siècle, comme les matières classiques de la législation sociale[3].

Si tout ce qui devait être ne fut pas, loin de là, et si, au bout du compte, 1848 fit positivement assez peu, c’est d’abord que la mécanique demeura incomplète et que Louis Blanc ne put obtenir qu’on instituât et qu’on lui donnât un ministère du Travail et du Progrès, « avec mission spéciale de préparer la révolution sociale, et d’amener graduellement, pacifiquement, sans secousse, l’abolition du prolétariat[4] ; » et c’est qu’ainsi, président d’une simple commission, et n’ayant ni autorité directe ni ressources propres, il se vit condamné, au lieu d’appliquer ses idées, à ne présenter que des propositions : au lieu d’être, comme il l’avait

  1. Louis Blanc, ouv. cité, p. 187-188. « Dans ces établissemens, il y aurait eu une salle de lecture, une salle pour les enfans en nourrice, une école, un jardin, une cour, des bains. Chaque établissement eût coûté à peu près un million. Pour couvrir cette dépense, le gouvernement aurait ouvert un emprunt, des femmes se seraient mises en quête de souscriptions, et tous les rangs de la société eussent été appelés à fournir des agens pour le succès d’une négociation financière d’un caractère si nouveau et d’une portée si bienfaisante. »
  2. Ce décret leur ouvrait un crédit de 3 millions, somme égale à celle que le décret du 20 juin précédent allouait aux ateliers nationaux.
  3. Voyez Joseph Chailley-Bert et Arthur Fontaine, Lois sociales, Recueil des textes de la législation sociale de la France, 1895, avec supplémens annuels,
  4. Louis Blanc, ouvrage et passage cités, p. 188.