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réduisant les heures de travail, de onze à dix dans Paris et de douze à onze dans les départemens[1]. Le Parlement du travail fut ensuite institué conformément aux indications de Louis Blanc, « chaque corporation étant représentée au Luxembourg par trois délégués tirés de son sein. De cette manière, un levier puissant se trouva aux mains de la Commission de gouvernement pour les travailleurs ; et, au moyen d’une assemblée permanente composée de ses élus, le peuple de Paris fut en état d’agir comme un seul homme[2]. » La semaine d’après, le 10 mars, le Parlement du travail ouvrit sa session, et on lui traça d’un mot son programme : aider la Commission de gouvernement ; au vrai, la pousser en lui faisant sentir la pression « du peuple de Paris » pesant sur elle « comme un seul homme. »

Son but, à nouveau défini et mieux déterminé, serait « d’étudier les questions qui touchent à l’amélioration soit morale, soit matérielle du sort des ouvriers, de formuler les solutions en projets de loi, et de les soumettre, avec approbation du Gouvernement provisoire, aux délibérations de l’Assemblée nationale… » Et l’on n’en était encore qu’aux phrases : « C’est de l’abolition de l’esclavage en effet, qu’il s’agira ; esclavage de la pauvreté, de l’ignorance, du mal ; esclavage du travailleur qui n’a pas d’asile pour son vieux père ; de la fille du peuple qui, à seize ans, s’abandonne pour vivre ; de l’enfant du peuple qu’on ensevelit, à dix ou douze ans, dans une filature empestée[3]. » Mais, la mécanique une fois montée et l’engrenage une fois endenté, — Parlement du travail, Commission de gouvernement pour les travailleurs, Gouvernement provisoire, Assemblée nationale, — on entend bien passer aux actes.

Les actes devaient être : la fondation de sociétés et de colonies agricoles coopératives, la création d’institutions de crédit, la centralisation des assurances, la formation d’entrepôts et de magasins généraux pour le commerce en gros, de bazars pour le petit commerce, l’établissement d’une banque d’Etat[4], la construction, « dans chacun des quartiers les plus populeux de Paris, » d’une sorte de familistère modèle « assez considérable

  1. Louis Blanc, ouv. cité, t. Ier, p. 178 et suiv.
  2. Id., ibid., p. 181.
  3. Id., ibid., p. 184-185. Discours prononcé à l’ouverture du Parlement du travail.
  4. Rapport de Vidal, publié au Moniteur, puis en volume, sous ce titre : la Révolution de Février au Luxembourg.