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force des choses oblige dès 1806 à instituer, en ce pays qui vient d’être replacé sous l’égalité de droit et l’unité de juridiction, une juridiction particulière du travail, les conseils des prud’hommes, dont la compétence s’étend et dont les attributions se compliquent avec l’extension et la complication croissantes de l’industrie[1]. En attendant, deux ou trois décrets, relatifs aux bureaux de bienfaisance, aux enfans trouvés ou abandonnés, ou aux orphelins pauvres, et qui, par conséquent, visent à organiser l’assistance et non le travail[2] ; quelques dispositions sur les monts-de-piété et les bureaux de placement[3] ; quelques mesures de police réglant l’exploitation des mines[4], quelques ordonnances sur les fabriques de poudre, d’allumettes, de fulminate de mercure[5] ; une loi sur le travail des enfans employés dans les manufactures, usines ou ateliers, qui fixait à huit ans l’âge où les enfans pourraient être admis, et qui passait alors pour être une loi de protection[6] ; à travers tout, de nombreux actes concernant la Caisse des invalides de la marine[7] ; par-dessus tout, les lois et ordonnances sur les caisses d’épargne[8] ; et nous sommes en 1848 ; et c’est toute la législation sociale de la France, dont il semble que le caractère essentiel soit celui-ci : au travail, la liberté suffit ; tout le monde est également libre ; l’ouvrier n’a pas besoin d’autres droits que les droits de l’homme ; et la misère, puisque aussi bien il y en aura toujours, est matière de législation sociale ; le travail ne l’est pas, sauf précisément sur les points par lesquels il touche et en quelque façon se marie à la misère.

Mais voici le 24 février 1848 ; tout de suite le sens profond de cette révolution en apparence assez dépourvue de sens, — car enfin un peuple ne fait pas une révolution pour l’adjonction

  1. Loi du 18 mars 1806, établissant un conseil des prud’hommes à Lyon. Cf. Décret du 11 juin 1809, portant règlement sur les conseils de prud’hommes. Décret du 3 août 1810 relatif à la juridiction des prud’hommes. — Et, pour ne rien omettre, ordonnance du. 12 novembre 1828, concernant les insignes des membres des conseils de prud’hommes.
  2. Décrets du 17 juillet 1807 et du 9 décembre 1809. — Décret du 19 janvier 1811.
  3. 20 pluviôse an XII (10 février 1804).
  4. Décret du 3 janvier 1813 ; — Ordonnance du 26 mars 1843.
  5. Ordonnances du 25 juin 1823 ; du 30 octobre 1836.
  6. 22 mars 1841.
  7. Loi du 15 germinal an III ; arrêtés du 9 messidor an IX, du 19 frimaire an XI ; ordonnances du 13 mai 1818, du 17 septembre 1823, du 22 janvier 1824, du 12 mars 1826, du 29 juin 1828 ; loi du 4 mars 1831 ; ordonnances du 9 octobre 1837, du 10 mai 1841, du 5 octobre 1844.
  8. Ordonnances du 29 juillet 1818, du 3 juin 1829, du 16 juillet 1833 ; lois du 5 juin 1835, du 31 mars 1837, du 22 juin 1845.