Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terres dont les détenteurs de concessions gratuites n’avaient su que faire. En réalité, l’effet utile que la colonie a retiré de ces 200 millions dépensés a été à peu près nul, la colonisation officielle ayant été, depuis l’inauguration du système et malgré les applications variées qui en ont été faites, frappée toujours de stérilité.

Il n’est pas même exact de dire que l’intervention directe du gouvernement, si elle n’a pas abouti à fixer au sol les détenteurs de concessions gratuites, a du moins servi de cadre à la colonisation libre et l’a favorisée. Les chiffres que l’on a vu citer plus haut à l’appui de cette opinion sont erronés et aussi l’interprétation qu’on avait cru pouvoir en tirer. Sur ce point de la discussion, M. Burdeau, dans son rapport sur l’Algérie, a jeté la lumière. Si, de 1840 à 1851, au moment le plus actif de la colonisation officielle, la population agricole indépendante augmenta considérablement, cela tient non à ce que l’administration implantait de nombreux colons dans les centres nouvellement créés, mais bien à la force d’attraction qu’exerçait alors la colonie sur la métropole. Pendant cette période, il y eut un moment, de 1844 à 1847, où l’Algérie jouit d’une grande vogue en France. Des flots d’immigrans, à destination de la colonie, se pressaient dans les ports de l’Océan et de la Méditerranée ; ce n’était certainement pas l’appât des concessions gratuites qui les attirait, et ils le prouvèrent en dédaignant les faveurs officielles et en fuyant la tutelle de l’administration. Tandis que cette dernière avait toutes les difficultés à peupler les nouveaux centres qu’elle créait et était obligée, en définitive, d’avoir recours à la transplantation en masse d’ouvriers de Paris, les nouveaux débarqués allaient s’entasser à flots pressés dans les anciens centres créés par les premiers colons ou achetaient des terres aux indigènes et fondaient à leurs frais de nouveaux établissemens. L’argument qu’on a cru tirer du ralentissement de l’immigration pendant la période de 1860 à 1871 est moins probant encore. Ceux qui affirment qu’il n’y a eu que 4 582 colons officiels pendant cette période de l’abolition des concessions gratuites oublient de dire, en effet, que, pendant le même laps de temps, il y eut une augmentation de 28 000 colons libres, en sorte que, contrairement à la thèse soutenue, une augmentation considérable de la population rurale indépendante a coïncidé, pendant cette période, avec l’arrêt de la colonisation officielle. Et il en est de même de la valeur