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comptans aux étrangers. Ce fut un beau temps pour les spéculateurs et les colons en chambre, qui trouvaient ainsi le moyen de se créer des rentes ou de se faire une fortune sans travail et sans bourse délier. L’installation de la plupart des colons pendant cette période ne fut donc que fictive ; bon nombre, d’ailleurs, furent déclarés déchus de leurs droits par l’administration, et cette dernière se vit forcée d’abandonner le système des concessions à titre conditionnel tout comme elle avait dû abandonner le système des concessions à titre gratuit. Un décret du 25 juillet 1860 ordonna que désormais les terres domaniales seraient vendues à prix fixe et à bureau ouvert et l’on recourut concurremment à un autre mode qui avait fait ses preuves en Australie : à la vente aux enchères. Mais l’administration ne se faisait plus d’illusion sur son œuvre et se désintéressait de plus en plus de la colonisation officielle. Pendant la période de 1860 à 1871, sous ce régime des ventes, elle se contenta de créer onze villages et n’y installa que 4 582 colons. Un découragement profond avait gagné les sphères gouvernementales en ce qui concernait les hommes et les choses d’Algérie. On ne savait plus quel parti prendre, quelle politique adopter. Après trente ans d’occupation, tout était remis en question. Au Sénat impérial, le général Daumas, qui avait été frappé du peu d’étendue des terres de culture disponibles en Algérie et des échecs successifs éprouvés par la colonisation officielle, demandait qu’on voulût bien mettre à l’étude la question de savoir « s’il y avait assez de terres en Algérie pour la colonisation ; si cette dernière louchait bien à l’intérêt français et par quels points ; si enfin elle devait être civile, militaire, mixte, européenne, française ou arabe. » C’est dans cet état de doute et de lassitude générale que vit le jour le sénatus-consuite de 1863 relatif à la constitution de la propriété indigène et que prit naissance l’idée du « royaume arabe. » On aurait alors donné l’Algérie au chah, comme disait un haut personnage officiel, si le chah de Perse en eût lui-même voulu.


II. — DEUXIÈME PHASE DE LA COLONISATION OFFICIELLE. NOUVEL INSUCCÈS DE L’ADMINISTRATION

Au commencement de 1871, il ne restait plus guère de terres domaniales propres à la colonisation officielle. Les terres provenant de l’ancien domaine du dey et du territoire confisqué sur