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efforts du gouvernement et sont venus montrer tous les obstacles que rencontre une colonisation faite aux frais de l’Etat. Une telle entreprise n’est sérieuse qu’autant qu’elle est tentée par des hommes qui savent et veulent travailler, qui poursuivent la création d’un établissement à leurs risques et périls. On ne peut obtenir de succès que par les efforts de la liberté et de l’intérêt individuels. »

A une situation si déplorable, l’administration crut trouver remède en modifiant le système des concessions employé jusqu’alors. Elle ne voulut plus de colons auxquels il fallait livrer des maisons construites et des terres défrichées, donner des bestiaux et des instrumens aratoires, fournir des semences, assurer la nourriture pendant des années, et elle résolut de peupler les villages nouveaux « avec des colons jouissant de ressources suffisantes pour pourvoir à leur installation. » Le régime de la concession gratuite à tout venant inauguré par le général Bugeaud cessa donc d’être en vigueur en 1851 ; et on lui substitua le système de la concession avec promesse de propriété sous condition de remplir certaines clauses contenues dans un cahier des charges. En même temps, l’autorité militaire et l’autorité civile, devenues prudentes, n’apportèrent plus la même hâte fébrile à édifier de nouveaux centres. De 1840 à 1851, on avait implanté administrativement en Algérie trente mille colons, dix mille dans les villages du territoire civil, vingt mille dans les villages du territoire militaire, et créé cent dix centres. Près des deux tiers des colons avaient déjà disparu en 1851. Dans la période décennale qui suivit, de 1851 à 1860, il n’en fut installé que 14 957 et 85 centres seulement furent créés. Mais cette génération nouvelle de colons officiels ne répondit guère mieux aux espérances de l’administration que les générations antérieures. Bon nombre de ces concessionnaires d’un nouveau genre se contentaient de se rendre sur le territoire où se trouvait leur lot et entraient en arrangemens avec les indigènes pour leur louer leurs terres jusqu’au moment où, ayant obtenu leur titre définitif de propriété, ils pouvaient aller jouir n’importe où de la rente que l’Etat leur avait bénévolement constituée. D’autres, à peine installés, quittaient la localité, sauf à y faire des apparitions à des intervalles plus ou moins éloignés, mais suffisamment rapprochés pour éviter la déchéance, et, les conditions du cahier des charges étant ainsi éludées, revendaient leur concession à beaux deniers