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au-dessus de sept ans, et des demi-rations pour les enfans de cet âge. Ces distributions d’alimens devaient être continuées pendant trois ans jusqu’au 31 décembre 1851.

Il semble que les nouveaux colons eussent dû être stimulés par de tels avantages et mener à bien l’œuvre entreprise ; il n’en fut rien. Au bout de quelques semaines, leur moral était entamé. Les fièvres palustres amenées par les premiers défrichemens, la dysenterie due aux eaux employées comme boisson, firent parmi eux de cruels ravages. La nostalgie les gagna. Dans la province de Constantine, le plus grand nombre d’entre eux succomba sans presque avoir mis la main à la pioche ou à la charrue. Dans tous les centres créés pour eux, les Parisiens avaient ouvert des clubs où retentirent les récriminations les plus amères contre le gouvernement et l’administration militaire. De ces centres, les agitateurs se répandirent dans les anciens villages, peuplés par les soins de l’administration civile, et cherchèrent, comme ils disaient, à éclairer l’opinion publique et à prouver aux esprits arriérés les avantages de la république démocratique et sociale. Les habitans de ces villages, tombés eux-mêmes dans la détresse, ne demandaient pas mieux que de prêter l’oreille aux discours des déclamateurs, et partout furent organisés des banquets de protestation et des conférences. Bientôt, il fut rendu évident aux yeux de tous que les nouveaux immigrans n’avaient pas grand-chose à faire en Afrique. Les plus avisés furent ceux qui demandèrent leurs passeports pour rentrer en France : ce que l’administration militaire, d’ailleurs, trop heureuse de se débarrasser d’élémens à tel point turbulens et dangereux, leur accorda avec empressement. 12 666 colons étaient arrivés en 1848 avec les premiers convois ; 7 836 avaient été fixés ensuite en Afrique, au cours des années 1849 et 1850, soit un total de 20 502 colons. Deux ans après, au 31 décembre 1850, 3 359 étaient morts, et 7 038 avaient abandonné les concessions et étaient rentrés en France. D’après les documens officiels publiés par le ministère de la Guerre, la population des 42 colonies agricoles, qui aurait dû, au 31 décembre 1850 être normalement de 20 500 âmes, ne comptait plus que 10 000 colons, la plupart installés de l’année même. Au cours des années qui suivirent, à peu près tous disparurent. Des villages entiers, nombreux surtout dans la province de Constantine, furent abandonnés faute d’habitans. D’autres, comme Guyotville, aux portes d’Alger, ne comptaient, en 1851,