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autant de garnisons civiles pouvant au besoin appuyer les mouvemens de l’armée. Bref, on voulait non que l’administration fût faite pour les colons, mais bien que les colons fussent faits pour l’administration.

Le gouvernement prit donc à son compte l’œuvre de la colonisation. Il voulut lui-même déterminer l’emplacement des villages, faire le lotissement des terrains urbains et ruraux, désigner les colons auxquels il les concéderait sous certaines clauses et réserves. Le système de la colonisation officielle fut alors inauguré et a continué, appliqué avec plus ou moins d’activité, jusqu’à nos jours.

Tout aussitôt, un des vices fondamentaux de ce système, appliqué à l’Algérie, éclata : le manque de terres nécessaires à l’installation de villages et à l’établissement de colons. Lors de la conquête, nous nous étions bien adjugé les domaines appartenant on propre au dey. Mais ces domaines étaient trop peu considérables pour suffire à faire vivre une population nombreuse installée dans les conditions arrêtées par les pouvoirs officiels. D’autre part, il ne fallait guère songer à acheter de grands espaces de terrains aux indigènes, en raison de l’organisation sociale du pays. En effet, en Algérie, règne d’une manière générale le régime de la propriété collective et l’on sait que ce régime rend l’acquisition de terres par voie d’achat fort difficile. Ce procédé avait en outre aux yeux de l’administration le tort d’être trop lent et dispendieux. Cette dernière trouva plus commode et moins onéreux de déposséder en bloc les tribus indigènes dont les territoires étaient à sa convenance, et notamment les tribus du Sahel et de la Mitidja qui occupaient les terres d’Algérie ayant la plus grande valeur. A la vérité, ces tribus nous avaient été fidèles jusqu’à l’insurrection d’Abd-et-Kader. Elles avaient même, au début de l’insurrection, défendu nos colons, escorté nos convois et étaient venues à Alger solliciter notre appui pour la défense de leurs territoires, et c’était nous qui les avions abandonnées à leur triste sort, en alléguant l’insuffisance de nos forces pour assurer à la fois la protection d’Alger, du Sahel et de la Mitidja. Rentrées dans leurs foyers, elles avaient dû, contraintes et forcées, accepter d’Abd-et-Kader l’appui que nous leur avions refusé, mais, même rangées sous ses lois, plusieurs avaient continué à rester de cœur avec nous et nous avaient fait parvenir de précieux renseignemens. D’ailleurs la confiscation