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dernier opuscule de Wagner, les Nouveaux Poèmes, mis au jour en 1897. Ceux-là témoignent d’un affaiblissement plus sensible encore dans le souffle de l’aède vieilli, dont l’effort tardif pour renouveler la matière de ses chants paraît avoir décidément échoué. En effet, tandis que sous le nom supposé d’Oswald, il se transportait en compagnie de sa chère Clara au sein des espaces sidéraux, afin d’y chercher quelques lumières sur la constitution des mondes, il a bientôt perdu pied dans ces sphères trop éthérées, et le sol de ses collines natales convenait décidément mieux à sa démarche nonchalante et rêveuse. Son inspiration ne sera-t-elle pas d’ailleurs affaiblie plus encore par une analyse aussi approfondie, aussi savante que celle de M. Richard Weltrich ? Il y a un élément nécessaire d’inconscience et d’ignorance dans la création poétique. Notre Corneille disait déjà de ses vers :


Et ce feu qui, sans nous, pousse les plus heureux,
Ne nous révèle pas tout ce qu’il fait pour eux.


La faculté de produire est, en littérature, un mécanisme délicat, qui souffre d’être démonté pièce à pièce aux regards des spectateurs. On peut bien ensuite remonter la machine, dépouillée maintenant de tout mystère, afin de la laisser reprendre sa tâche ; elle semble avoir perdu son âme, et il n’en sortira plus désormais que des articles de fabrique, et des produits sans originalité. Pourtant, l’on rencontre des talens robustes qui résistent à la louange aussi bien qu’à la critique ; nul plus que nous, qui devons à la muse de Wagner des minutes exquises, ne souhaite d’être en ceci mauvais prophète, et de voir le poète de Warmbronn nous réjouir encore par des accens pénétrans et sincèrement émus.

Terminons cette esquisse de la vie de Christian Wagner, par les traits principaux de son portrait physique, que son historien trace de la sorte, à la suite de leur plus récente entrevue : « Un aspect effacé, languissant, débile ; mais des mouvemens agiles et élastiques ; un front élevé, dégarni, sillonné de rides, encadré par les boucles de ses cheveux châtains tournant au gris ; en somme, un fin visage intelligent, et quelque peu l’apparence d’un pasteur anglais campagnard. » C’est bien là l’impression que laisse à nos regards l’excellent portrait du poète qui est placé en tête de l’ouvrage de M. Weltrich. « Sa parole, ajoute son