Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrages. — Entraîné par ses lectures, le cultivateur avait, dès sa jeunesse, tenté divers essais dans le goût de l’époque : une nouvelle romantique, placée par lui dans le cadre familier d’une ruine vénérable, voisine de Warmbronn, le château de Glemseck (1860) ; une poésie de circonstance dédiée à sa mère dès 1862 ; un drame inspiré de Schiller, et intitulé Abi-Malech (1865) : simples ouvrages d’écolier que tout cela, l’autodidacte n’ayant pas encore trouvé sa voie. — Vers 1867, la disparition rapide de parens adorés le plaça dans une disposition d’esprit mélancolique et résignée qui fut plus favorable à sa muse. Il composa dès lors, sous le titre d’Hymnes du deuil, un recueil de poésies, dont quelques-unes devaient plus tard trouver place dans son œuvre maîtresse : les Promenades du Dimanche. — C’est donc de ce temps que date la formation de son talent, et hi maturité de son esprit ; or, le règne intellectuel de Schopenhauer venait de s’établir sur l’Allemagne, et nous ne croyons pas nous abuser quand nous percevons, dans l’œuvre du paysan-poète, un écho champêtre, au timbre original et mélodieux, des enseignemens du « bouddhisme occidental. »

En 1885, seulement, sa situation matérielle, un peu plus favorable, lui laissa enfin le loisir de réviser, de relier entre elles les inspirations de ses heures de repos, et le résultat de ce travail fut l’apparition à Stuttgart d’un petit volume de poésies qui portaient le titre singulier de Conteur, Bramine et Voyant. — Une seconde série de poèmes vit le jour en 1887, sous le nom plus simple de Promenades du Dimanche qui, dans les éditions suivantes, s’appliqua comme désignation d’ensemble au précédent recueil, ainsi qu’a un troisième, dont la naissance est de 1890, et le sous-titre : Ballades et poèmes floraux. — Les trois volumes des Promenades du Dimanche sont demeurés le titre le plus sérieux de Wagner à l’attention des lettrés. Par une claire intuition des qualités comme des faiblesses de sa muse, il y façonnait adroitement une forme littéraire si bien appropriée à l’allure ordinaire de son inspiration qu’il en a su tirer un parti surprenant. Nous aurons plus d’une fois l’occasion d’en fournir des exemples. De souffle poétique un peu court, l’auteur, cherchant à traduire les impressions de ses promenades à travers la campagne, n’emploie le vers qu’au moment où sa sensibilité s’exalte, et où l’objet de sa description lui paraît mériter cet honneur. Des explications préliminaires, des considérations