Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/838

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première Renaissance, et, quoique je vous sache protestant, pour sa conséquence directe, la Réforme.

— Peuh ! le protestantisme n’est pas en vénération parmi les ouvriers de la rénovation religieuse. Vous savez les réserves de Richard Wagner et les anathèmes de Nietzsche contre ce plébéien de Luther. Sa doctrine « abstraite, casuistique, dogmatique, infectée de superstitions romaines » n’apparaît plus aux penseurs dont je parle comme une force vivante.

Quant à être sévère pour le Quattrocento, je lui suis au contraire fort indulgent en lui laissant son nom traditionnel. Vous n’ignorez pas qu’aux yeux de nous autres Germains, qui, de plus en plus, sentons « mûrir en nous l’Aryen conscient, » la véritable Renaissance, ce fut l’invasion d’Alaric et de Théodoric, l’apparition du Barbare dans l’histoire du monde ; tandis que la prise de Constantinople n’a été que le signal d’un retour offensif de l’idéal classique grec et romain, catastrophe funeste à la libre évolution de la culture germanique.

— Voilà du moins qui est parler clairement. Ainsi donc, reniant les Grecs ou les Romains dégénérés, et plus encore les traditions sémitiques de l’Ancien Testament, vous entendez vous remettre à l’école de ces imposans Aryas, de ces aristocrates instinctifs qui ont dompté l’Inde et créé la métaphysique du Véda. J’ai entendu parler vaguement de tout cela, car je m’efforce à suivre de loin le mouvement intellectuel de l’Allemagne. Mais j’avoue avoir été très frappé par un argument que vous ne rejetterez pas sans examen, car je l’ai trouvé dans la bouche d’un de vos plus éminens confrères en indologie. J’ai lu récemment la leçon inaugurale du professeur de Schroeder, appelé à occuper la chaire de philosophie indoue à l’Université de Vienne, et, si ma mémoire est fidèle, il s’exprimait à peu près en ces termes : « Quelques chrétiens sincères croient voir une menace sérieuse dans la campagne entreprise en faveur du bouddhisme ou dû brahmanisme. Elle me laisse beaucoup plus rassuré. Ces doctrines ne peuvent constituer un danger véritable pour le christianisme, parce que les conditions primordiales d’existence leur font défaut. La rédemption que le Bouddha enseigne et apporte à ses disciples ne tend qu’à les exempter des nécessités de la métempsycose. Là où n’existe pas la croyance à la métempsycose, cette rédemption-là n’a pas de sens. On peut bien s’intéresser au Bouddha, au bouddhisme, à la pureté de sa morale, se passionner