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empruntés aux langues anciennes et modernes, depuis le grec et l’hébreu jusqu’aux idiomes de l’Afrique, de l’Extrême-Orient et de l’Amérique, et surtout au latin lui-même, soit classique, soit médiéval, les mots pris dans les autres langues romanes, dans les patois, dans l’argot, les mots fabriqués de toutes pièces avec des élémens grecs et latins, les mots faits par onomatopée, tous, à leur place alphabétique, assignés à leur origine respective, peuvent être réunis, — et le sont en effet dans le Traité, — en groupes qui montrent ce que la langue, la religion, la pensée, la science, l’art, l’industrie, la vie sociale de la nation, doivent d’enrichissemens à son commerce, oral ou littéraire, avec les peuples voisins ou lointains. C’est un tableau qui n’intéresse pas seulement le philologue, que l’historien des idées et de la civilisation devra souvent consulter, et qui, esquissé jadis par Brachet, n’a été tracé avec l’ampleur et l’exactitude voulues que dans le Dictionnaire général.

Tel fut donc le plan qui sortit de la collaboration réfléchie d’Adolphe Hatzfeld et d’Arsène Darmesteter. Ce plan, — sans parler de l’exactitude plus grande des définitions et des étymologies, — présente essentiellement, — avec d’autres innovations moins importantes dont je parlerai plus loin, — deux idées nouvelles et maîtresses, l’une qui est due à Hatzfeld : le classement généalogique des sens ; l’autre qui vient de Darmesteter : le renvoi perpétuel, pour l’étymologie et la formation des mots, à un Traité annexe.

Ils travaillèrent pendant dix-sept ans, avec une ardeur soutenue, à l’exécuter. Enfin, en 1888, l’œuvre si longtemps couvée allait éclore, la préface était faite et le premier fascicule était presque entièrement imprimé, quand, le 16 novembre, Arsène Darmesteter fut emporté, après une courte maladie, mais à la suite d’une affection du cœur dont il souffrait depuis longtemps et qu’il avait aggravée par un excès de travail. Nommé successivement répétiteur à l’Ecole des Hautes Études (1872-1883), puis professeur à l’Ecole de Sèvres, enfin professeur de littérature française du moyen âge et d’histoire de la langue française à la Sorbonne (chaire créée pour lui), il avait rempli ses fonctions non seulement avec conscience, mais avec un zèle ardent, sans abandonner pour cela ses études personnelles et le labeur que lui imposaient la rédaction, partagée avec Hatzfeld, du dictionnaire et la composition du Traité. Il avait trop demandé à ses forces,