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Malden ; ce lui fut une grande joie que de pouvoir contribuer à élever, dans toute la force du terme, les gens de chez lui. L’école de couleur où il enseignait n’était qu’une pauvre bicoque ; il ne se bornait pas à la routine des classes, mais descendait aux moindres détails, apprenant aux enfans à se laver, à s’habiller, préchant son humble évangile du bain et de la brosse à dents, cette propagatrice, comme il le dit gaiement, d’une haute civilisation. Pour les adultes, employés dans les mines, il ouvrit une école du soir où la population accourut en masse. En outre de son travail de jour et de nuit, Washington trouva moyen d’établir une galle de lecture et une société de discussion (debating society). Le dimanche, il faisait deux cours d’instruction religieuse, sunday school, dans l’après-midi à Malden même, et le matin à trois milles de là. Nous ne comptons pas les leçons particulières données à plusieurs jeunes gens qu’il préparait pour Hampton. Sans aucune préoccupation de salaire, le petit traitement qu’il recevait sur les fonds publics, en qualité d’instituteur, lui suffisant, il enseignait à tous ceux qui voulaient apprendre de lui quoi que ce fût. John fut alors récompensé du dévouement fraternel dont il avait fait preuve ; il put entrer lui aussi à l’Institut de Hampton. Maintenant le frère aîné porte le titre de surintendant des Industries à l’Université de Tuskegee, dont le frère cadet est Président.

De ses épreuves, de ses difficultés pendant les années 1876-77 qu’il passa dans le village de Malden, Hooker Washington parle le moins possible. C’était le temps de la grande activité du Ku-Klux Klan, mouvement quasi fantastique qui se produisit après la guerre civile, la prolongeant bien au-delà de la proclamation d’une paix illusoire. Pour résister aux abus insupportables, suscités par les politiciens qu’on a flétris du nom de carpet-baggers, parce qu’ils apportaient pour tout bagage leur sac de nuit vide, une ligue blanche s’était formée ; elle engagea des luttes souvent meurtrières avec la police métropolitaine et eut raison à la fin des aventuriers politiques qui dévoraient le Sud. Malheureusement les nombreuses sociétés secrètes, engagées dans cette guerre occulte, poussèrent trop loin le système de terreur qui devait empêcher les nègres de se réunir pour arriver au scrutin. Parmi les cavaliers déguisés en fantômes pour mieux exercer leur police nocturne figurèrent de véritables bandits ; beaucoup de passions mauvaises s’abritèrent sous le masque des Ku-Klux, il y eut des innocens maltraités jusqu’à la mort, des écoles brûlées, car les