Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inspirer autour de lui la même unité de sentiment. L’alliance franco-russe n’en est pas atteinte, grâce à Dieu ! Elle a gagné plutôt que perdu aux épreuves diverses qu’elle a eu à traverser. Elle en est sortie plus étendue peut-être, et certainement plus intime et plus forte. Mais si nous faisons notre propre examen de conscience, il faut bien reconnaître que la politique de notre gouvernement, restée toujours la même au dehors comme l’a si bien dit M. Loubet, qui en a justement affirmé et loué l’admirable continuité, nous a rendus, au dedans, moins aptes à cette union des esprits et des cœurs qui, dans les circonstances où la patrie est en jeu, avait été jusqu’ici l’apanage de la France, et la meilleure sauvegarde de ses intérêts.


Après ce que nous avons dit, il y a quinze jours, des conseils supérieurs du travail, et des élections ordonnées par M. Millerand pour les constituer tant bien que mal en profitant de l’absence des Chambres, nous avons le devoir de tenir nos lecteurs au courant des premiers résultats de ces opérations. Ils ont été absolument conformes à ce que nous avions prévu et annoncé, et qu’il était d’ailleurs bien facile de prévoir et d’annoncer. La très grande majorité des patrons avait en effet, à deux reprises différentes, exprimé par écrit son intention de ne pas prendre part au scrutin ; et quant aux ouvriers, bien qu’ils n’eussent pas fait de démarches aussi formelles, on savait par les conversations d’un assez grand nombre d’entre eux que, s’ils n’avaient aucune répugnance pour les procédés dictatoriaux de M. Millerand, ils n’éprouvaient non plus aucun enthousiasme pour la manière dont il en a usé. Ces conseils du travail ne leur disent rien qui vaille.

Les élections ont eu lieu à Paris le dimanche 22 septembre, non pas pour tous les corps de métier, — il y en a cinq, — mais seulement pour un, celui de l’industrie et du bâtiment. Pourquoi M. Millerand a-t-il jugé à propos d’échelonner les élections, de manière qu’elles aient lieu successivement, pendant toute une semaine ? Nous l’ignorons : il a cru peut-être qu’il ne fallait pas tout livrer au hasard d’une épreuve unique, et que l’expérience du premier scrutin servirait à rectifier dans les autres ce qu’il aurait eu lui-même de défectueux. Mais il a fallu renoncer à cette espérance : toutes les élections se sont ressemblé. Nous ne connaissons toutefois avec exactitude que les résultats de la première, et c’est seulement sur eux que nous pouvons raisonner. M. Millerand avait ouvert sept sections de vote pour les patrons. Hélas ! dans quatre d’entre elles, pas un seul électeur ne s’est présenté. La porte est restée ouverte toute la journée : Anne,