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le préciser, en en fixant les détails. On devra ensuite le confronter ainsi que son rival, avec les faits, afin de décider si l’un ou l’autre n’est pas en contradiction sur quelque point avec l’expérience. Ce procès, que nous évoquons à nouveau, a rempli la fin du XVIIIe siècle et le commencement du XIXe : il a été jugé définitivement ; et nous n’avons plus qu’à en rappeler brièvement les péripéties et la conclusion.


IV

« Une chose dont nous sommes certains, dit quelque part lord Kelvin, c’est la réalité et la matérialité de l’éther lumineux. » Les fondemens logiques de cette certitude, en effet, sont au moins aussi puissans pour une intelligence de cette trempe, que le témoignage même des sens, dont on connaît, d’ailleurs, les limites de pénétration, l’infirmité et les aberrations. L’éther ne nous est pas révélé directement par aucun sens ; il l’est par les phénomènes dont il est le facteur nécessaire. L’hypothèse de l’éther n’implique aucune abdication de la part d’un esprit scientifique et critique. En revanche, elle dérange notablement les habitudes d’un esprit concret.

Une première difficulté est de nous représenter son ubiquité et de la concilier avec l’existence des corps sensibles au repos ou avec la liberté de leurs mouvemens. Ceux-ci, à la surface de la terre, se déplacent dans l’éther lumineux, comme s’il n’existait pas. D’autre part, les corps célestes, les comètes s’y meuvent avec la plus grande facilité. Il pénètre notre atmosphère sans en modifier les propriétés, et sans éprouver lui-même de modification sensible, puisque, si l’on raréfie l’air dans un récipient, la transmission de la lumière ne subit, de ce chef, que des changemens à peu près inappréciables. En d’autres termes, l’éther du vide se comporte comme l’éther de l’air. Il imbibe tout ce qui existe dans l’univers, comme l’eau imbibe une éponge. Nous savons que la matière pondérable n’est pas continue : qu’elle est composée de particules séparées par des espaces. L’éther remplit ces espaces. Quelle que soit l’idée que nous nous formions des particules matérielles, molécules ou atomes, il faut imaginer des intervalles entre ces parties où l’éther est présent. L’image du phénomène n’offre pas de difficultés si l’on en considère les degrés. Il y a de l’air dans la terre végétale, il y en a dans les