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Voici le mois doré des rondes et des danses,
Où les vierges, avec les éphèbes, pieds nus,
Une lueur plus tendre en leurs yeux ingénus,
Tournent infiniment sur d’anciennes cadences.

Les doigts frôlent les doigts, les cœurs cherchent les cœurs ;
Le torse altier soutient la taille qui se cambre ;
Et partout, à la gloire unique des fruits d’ambre,
Eclate l’allégresse et résonnent les chœurs.

Puis, vers les noirs celliers voûtés comme des porches,
Vers le patriarcal accueil des vieux logis,
Les cortèges s’en vont, étrangement surgis
Aux fumeuses clartés de primitives torches.

Et le soleil s’effondre aux bords occidentaux,
Et dans le crépuscule aux mourans incendies,
Après les cris poussés et les torches brandies,
Redeviennent déserts les sentiers des coteaux.

Tandis que les grands bœufs mugissent, qu’on dételle,
Et que la pacifique et lointaine rumeur
S’efface à l’horizon comme un râle endormeur,
Pour renaître demain dans l’aurore immortelle.


TAUREAUX AU LABOUR


L’automne d’or s’achève en des langueurs sereines,
Prodiguant les fruits mûrs cueillis à pleines mains,
Et si tiède est l’azur que tous les cœurs humains
Dans une trêve sainte ont abdiqué leurs haines.

Les feuilles mortes font un sévère tapis
Que crible l’occident de ses flèches obliques.
Au fond des bois, gardiens de pieuses reliques
L’hymne d’amour expire aux échos assoupis.

C’est l’époque sacrée où par la plaine immense
Et que peuplent, épars, des fermes et des bourgs,
Les épiques semeurs aux agrestes labours
D’un geste triomphal partagent la semence.