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Le Président ne se borne pas, d’ailleurs, à l’envoi de son message de décembre. Toutes les fois que la situation lui paraît justifier son intervention, il appelle, dans une communication spéciale, l’attention du Congrès sur telle ou telle affaire, sur telle ou telle mesure législative, au sujet de laquelle il juge opportun de faire connaître son sentiment. Il n’y a guère de session où il ne soit fait usage à huit ou dix reprises différentes, souvent davantage, de cette prérogative.

Les rapports entre le Pouvoir exécutif et les Chambres fédérales n’ont pas lieu uniquement par voie de messages. Si l’accès du Congrès est interdit aux ministres américains, il n’en est pas de même des commissions où il leur est loisible de se rendre pour traiter les questions sur lesquelles ils croient utile d’appeler l’attention du Parlement. Lorsqu’il s’agit d’établir le budget, chaque département ministériel commence par dresser un devis des crédits qui lui sont nécessaires. Ces évaluations sont transmises par le « secrétaire des Finances » au président de la Chambre des Représentans qui, à son tour, les fait parvenir aux diverses commissions compétentes. Avant de les soumettre au Congrès, le président de chacune de ces commissions se met eu rapports avec le ministre dont il est chargé d’examiner les demandes budgétaires et dans des conférences privées, tenues soit au siège de son département, soit dans une salle du Capitole, il discute avec lui les points qui peuvent donner lieu entre eux à des divergences d’opinion. Le sort final de ces propositions dépend néanmoins beaucoup plus de lui que du ministre.

Les choses se passent à peu près de même en ce qui concerne la préparation des lois ordinaires. En théorie, l’initiative en appartient au Congrès seul. Dans In pratique, quoique la Constitution soit muette sur ce point, l’influence du Président se fait fréquemment sentir, soit pour la mise à l’ordre du jour des projets de loi dont il souhaite l’adoption, soit pour le retrait de ceux qu’il regarde comme inopportuns[1].

  1. Les confidences faites à cet égard par le président Hayes sont très catégoriques. « Une grande partie des projets de loi soumis au Parlement, déclare-t-il, sont préalablement, examinés par le cabinet et introduits dans le Congrès, à la suite d’une entente privée entre les ministres et les membres des comités parlementaires… Il est exact que le Président des États-Unis ne possède pas, en matière législative, de moyen régulier d’exercer son initiative ; une forte proportion des actes législatifs qui reçoivent, pendant son administration, la sanction du Parlement, et parfois les plus importans, n’en émane pas moins de lui. Il peut aussi, dans une certaine mesure, faire écarter à l’avance les projets de loi qui lui déplaisent ou même faire modifier et amender les bills déjà présentés dans le Congrès, en faisant savoir officieusement qu’il les désapprouve et qu’il songe à les frapper de son veto. »
    (Notes of conversation with President Hayes, by W. B. Laurence.)