Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/636

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vote hostile dont elle avait été l’objet. Le cas s’est produit, en 1886, pour un homme de couleur chargé d’un important service de cadastre, dont la nomination avait été rejetée par le Sénat et qu’un second décret présidentiel, accepté sans protestation, a investi, quinze jours plus tard, des mêmes fonctions.

On nous cite l’histoire plus récente d’un fonctionnaire deux lois frappé de l’ostracisme sénatorial, renommé une troisième fois, et qui a fini par occuper son poste, à titre soi-disant « provisoire, » la Haute Assemblée, qui était près de se séparer, s’étant abstenue, sans doute pour ne point envenimer ce désaccord, de statuer de nouveau sur son sort.

Ces exemples témoignent, en somme, d’un désir réciproque d’éviter des conflits qui seraient hors de toute proportion avec les questions en litige. À ce point de vue, les Américains font généralement preuve d’un sens pratique qu’on ne trouve pas toujours au même degré en Europe, où l’opposition politique, qui revêt si aisément l’apparence d’une taquinerie, rend plus difficile la tâche des gouvernans. La ratification des nominations présidentielles est faite d’ailleurs en séance secrète ; elle ne donne lieu, par suite, à aucune publicité acrimonieuse.

Le contrôle sénatorial s’exerce plus strictement sur les fonctionnaires appelés à résider dans leurs circonscriptions électorales. Pour éviter toute difficulté, une entente préalable a généralement lieu entre le gouvernement et les représentais de l’Etat intéressé. Les nouveaux candidats n’ayant point de passé administratif, sont d’ailleurs le plus souvent inconnus du pouvoir central qui ne peut guère que s’en remettre aux sénateurs et aux députés de son parti du soin de les lui désigner et qui n’aurait aucun intérêt à agir autrement. Aussi la ratification parlementaire leur est-elle presque toujours acquise d’avance.

Quoique ces questions de nominations soient celles où l’initiative du Président s’affirme le moins librement, on voit à quoi se réduisent, en somme, les prétendues entraves apportées à son pouvoir en ce qui touche le choix des fonctionnaires, dont la désignation a pour lui quelque intérêt. Elles lui laissent en réalité une latitude que lui envierait plus d’une monarchie. Pour tout le reste, son indépendance et son autorité personnelle sont plus manifestes encore. L’examen ci-après des conditions dans lesquelles s’exercent les rapports du Pouvoir exécutif avec le parlement fédéral nous permettra de nous en convaincre.