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II. — POUVOIRS PRESIDENTIELS RELATIFS A LA NOMINATION DES FONCTIONNAIRES

La principale tâche du Président, une fois son cabinet constitué, est de procéder à la nomination des très nombreux fonctionnaires qui, aux Etats-Unis, naissent à la vie officielle à chaque changement d’administration[1]. Rien dans notre organisation ne peut donner l’idée d’un semblable renouvellement des services publics. Les crises ministérielles en France, sauf des cas tout à fait exceptionnels, n’influent que d’une façon insignifiante sur la composition du personnel administratif. Quelques mutations isolées, de loin en loin une révocation presque toujours suivie d’une compensation sous une autre forme, la nomination d’un chef de cabinet ou d’un secrétaire particulier à l’arrivée du nouveau ministre, parfois, à son départ, une ou deux promotions testamentaires et c’est tout. Les révolutions mêmes, chez nous, laissent en place la grande majorité des employés subalternes et souvent aussi un assez grand nombre de chefs de service qui, n’étant point mêlés à la politique militante, ne se sont point compromis vis-à-vis du gouvernement du lendemain, heureux de son côté de mettre à profit leur expérience des affaires.

Un système tout à fait opposé a, comme on sait, prévalu de temps immémorial aux Etats-Unis où, dès 1829, Jackson caractérisait par un mot célèbre (« les dépouilles du vaincu appartiennent au vainqueur ») ce droit de conquête des offices publics. On raille volontiers la passion des Français pour les fonctions officielles et on a voulu y voir une infirmité particulière à la race latine plus sensible que toute autre au clinquant des honneurs administratifs. Ce qui se passe en Amérique prouve que la perspective de détenir une parcelle, si minime qu’elle soit, de la puissance gouvernementale exerce en tout pays la même attraction. L’exemple des Etats-Unis est à cet égard le plus probant de tous puisque la modicité des salaires officiels ne s’allie point, comme chez nous, à la sécurité du lendemain et à l’espoir d’une retraite.

  1. Il va de soi que les détails qui vont suivre s’appliquent à une inauguration présidentielle, effectuée dans des conditions normales, à la suite d’une élection, et ne visent pas le cas tout spécial d’une présidence intérimaire.