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limites à leur autorité… Les pouvoirs assumés par le président Lincoln, lors de la guerre de Sécession, eussent à peine pu être plus étendus sous une dictature. On ne s’est jamais rendu bien compte de l’extension que peuvent recevoir les attributions de l’Exécutif et la liberté d’action dont ont disposé les présidons, même d’une énergie ordinaire (ordinarily strong) a toujours été plus grande que ne l’ont imaginé tous ceux qui ont décrit nos institutions. »

Les confidences de M. Hayes ont été complétées il y a quelques années par celles d’un autre ex-président des États-Unis, M. Benjamin Harrison[1], dans une série d’articles signés de son nom et parus sous le titre de This Country of Ours (Notre Pays) dans une Revue périodique de New-York, le Ladies Home Journal. Les emprunts que nous allons lui faire achèveront de nous initier aux détails de cette organisation gouvernementale qui ressemble si peu à l’idée qu’on s’en fait généralement.

« Il avait été question, — fait observer M. Harrison[2], — dans la Convention de 1887, de placer à côté du Président un Conseil exécutif en vue de restreindre dans une certaine mesure sa liberté d’action. Mais cette suggestion a été sagement rejetée. Un exécutif à plusieurs têtes doit nécessairement manquer de la vigueur et de la promptitude de décision qui sont souvent une condition de salut public. Le sénateur S… aurait, dit-on, récemment exprimé l’opinion que chaque membre du Cabinet devrait être indépendant dans la direction de son département… L’adoption de ce système nous donnerait huit chefs exécutifs exerçant non point une action commune, mais un contrôle isolé sur les différentes subdivisions du Pouvoir exécutif, que la Constitution a entendu réserver au Président. Ce serait la mise en ferme (farming out) de ses pouvoirs constitutionnels.

M. Harrison nous montre ailleurs[3] dans quelles conditions les Ministres prêtent leur concours au chef de l’État. « Dans toutes les matières de quelque importance le Président est consulté et tout ce qui est en dehors de la routine ordinaire des affaires reçoit son attention… Il n’y a que les questions

  1. M. Benjamin Harrison, qui ne doit pas être confondu avec son grand-père William Harrison, également président des États-Unis (1841), a occupé le pouvoir de 1889-1893.
  2. This Country of Ours, février 1891.
  3. This Country of Ours, mars 1896.