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sur lequel repose le principe même de son organisation. Chacun des quarante-cinq États de l’Union ayant sa vie administrative propre, la plupart des questions dont l’étude ou tout au moins la solution échappe à la compétence de nos services provinciaux et incombe à l’un ou l’autre de nos ministères parisiens, sont réglées sur place, simplifiant d’autant le travail du gouvernement central.

Nous avons dit qu’il n’y avait point aux États-Unis de premier ministre. Les fonctions de président du Conseil y sont en fait exercées par le Président de la République. Dans quelle mesure chacun des membres du cabinet est-il associé à la direction générale des affaires ? C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre a priori, le tempérament particulier des présidens, leur plus ou moins d’activité, leur esprit de décision entrant naturellement ici en ligne de compte dans une proportion très variable. De toute façon leur action personnelle est considérable. Elle peut, dans certains cas, devenir presque impérative, si on en juge par les confidences qui ont été faites, en 1889, par un ancien Président, M. Rutherford B. Hayes, et reproduites avec son autorisation par M. W. -B. Lawrence, dans une brochure peu connue, intitulée : Notes of conversation of the author with President Hayes. Nous en traduirons ci-après les passages essentiels, en laissant, pour plus de clarté, la parole à l’ex-Président que l’auteur américain fait parler à la troisième personne.

« En ce qui concerne les relations générales avec leur cabinet, déclare M. Hayes, les présidons sont maîtres de la situa-lion, non seulement en vertu de la loi, mais par ce fait que les ministres sont nommés par l’Exécutif et restent dans sa dépendance. Les usages ont quelque peu varié dans le passé. Certains présidens ont cédé plus que d’autres à la pression de leur Cabinet, le président Buchanan notamment, qui n’avait pas assez de fermeté pour imposer sa volonté. Au contraire, le président Lincoln a rédigé sa proclamation pour l’émancipation des esclaves sans consulter ses ministres et ne la leur a lue qu’en vue des amendemens qui pouvaient lui être suggérés[1]. »

« Pour ma part, poursuit l’ex-président Hayes, il m’est arrivé

  1. Dans un article antérieur paru dans le North American Review (nov. 1880), M. W. B. Lawrence va jusqu’à affirmer que « Lincoln ne tenait presque jamais (seldom or never) de conseil de cabinet. »